Témoignage: «Plus facile de s’installer à New York qu’à Lausanne!»

Un couple de jeunes Français, qui travaille dans la restauration au Flon, en a fait la surprenante expérience. Aussi bien à New York qu’à Perth, en Australie, emplois, logement et comptes bancaires ont été bouclés en moins d’une semaine. A Lausanne, il leur a fallu des mois pour stabiliser leur situation.

  • Lausanne est une ville accueillante, mais les formalités administratives pour s’y installer en tant qu’expatrié sont bien plus contraignantes que dans d’autres villes à travers la planète. 1,2,3 RF

    Lausanne est une ville accueillante, mais les formalités administratives pour s’y installer en tant qu’expatrié sont bien plus contraignantes que dans d’autres villes à travers la planète. 1,2,3 RF

«Chacun de nous a déposé au moins 20 CV en mains propres.»

Marine

«Franchement, il est plus difficile de s’installer à Lausanne qu’à New York ou en Australie». Appelons-la Marine. Cette jeune Française qui travaille comme serveuse au Flon et qui vit avec son mari et son frère à Lausanne depuis quelques mois, sait de quoi elle parle. Car le moins que l’on puisse dire est qu’elle a pas mal bourlingué, amoureuse des voyages et des horizons lointains. A peine diplômée en hôtellerie-restauration à Périgueux en France, la jeune femme - et son compagnon – s’envolent pour New York. Nous sommes en 2014-2015 et pour des Français il y est facile d’obtenir un visa-étudiant, dans l’année qui suit la fin des études. Sitôt arrivés, la ville-monde leur ouvre ses bras. «J’ai posé un CV le matin, j’ai reçu un appel l’après-midi, j’ai passé un entretien le soir et le lendemain j’étais prise. Quant à mon mari, Chef dans la restauration c’était fait en une semaine.» Même facilité dans la recherche d’un appartement et pour l’ouverture d’un compte en banque, l’ensemble des formalités administratives ayant duré à peine 10 jours.

Accueillante Australie

Un an plus tard, ils quittent l’Amérique à l’expiration de leur visa de travail. Direction l’Asie, puis l’Australie. Car outre l’amour des voyages notre couple a un objectif: travailler et épargner pour financer les 25’000 francs que nécessiterait la réalisation de leur rêve, s’offrir un magnifique tour du monde. Après une courte et éprouvante expérience de travail en ferme, les voici qui débarquent à Perth, choisie essentiellement en raison de… ses agréables conditions météorologiques. «Là aussi, nous étions détenteurs, avec mon mari et mon frère, d’un visa working-holiday obtenu sur internet, raconte Marine. Et là aussi il a été extrêmement simple de louer un appartement, dès la première visite, juste en posant une caution. Ouvrir un compte en banque a été un jeu d’enfant, sans le moindre justificatif en dehors de leur pièce d’identité, et une semaine plus tard, après avoir distribué nos CV tous les trois travaillions dans la restauration.» Là encore, le séjour durera une année, avant que le trio ne remette le cap sur la France.

En octobre 2018, les voilà donc qui débarquent à Lausanne. Et c’est là qu’il leur faut déchanter: «Chacun de nous a déposé au moins 20 CV en mains propres, sans compter la cinquantaine envoyés par email. Et rien, tout simplement rien du tout, alors qu’on nous avait dit que la restauration recrutait. Franchement, nous avions un excellent CV, plus de 10 ans d’expérience internationale dans la restauration, et on ne comprenait pas qu’on ne nous appelle pas, surtout dans une ville comme Lausanne riche en restaurants, et où

le turn over dans ces métiers est énorme».

Au bout de quelques temps, ils finissent par comprendre pourquoi rien ne démarre: «ici il se produit une sorte de cercle vicieux: pour avoir un travail, il faut une adresse en Suisse. Pour avoir une adresse il faut un compte, pour avoir un compte, il faut un permis de séjour et surtout… trois mois de salaire. Or pour avoir trois mois de salaire, il faut un travail» sourit encore la jeune femme qui ajoute: «et c’est la même logique pour un appartement. Pour obtenir un appartement, il faut une attestation de poursuites que l’on n’obtient que si on est inscrit à la commune, ce qui ne peut se faire qu’en ayant une adresse, etc. Et même l’obtention du permis de séjour n’est pas évidente, de nombreux patrons répugnant à le faire, alors que depuis les bilatérales ce n’est qu’une formalité administrative».

Finalement c’est à Montreux que le trio trouvera une issue à cette situation kafkaïenne, le mari ayant enfin réussi à décrocher un emploi, avec à la clé une adresse et surtout l’ouverture d’un compte bancaire commun aux deux époux qui débloquera la situation, avant que quelques mois plus tard, la famille ne puisse enfin revenir à Lausanne. «Tout est compliqué. Je me suis rendu compte que j’étais moins bien payée que mes collègues à âge et expérience similaires. Quand j’ai protesté, on m’a dit qu’il fallait faire reconnaître en Suisse mon BTS français. Je me suis renseignée: la procédure dure six mois. D’ici-là nous serons presque partis!»

Après plusieurs mois, la situation du trio trouve enfin une normalisation administrative, locative et sociale. «Maintenant, nous sommes contents d’être ici, nous épargnons pour notre tour du monde et sans devoir nous priver, ce qui est vraiment super, malgré le chemin de croix. Les gens sont agréables et polis, même si j’ai, contrairement à l’Australie ou aux USA, toujours un peu honte de dire que je suis là pour l’argent. Et puis ce qui manque à la Suisse, c’est le beurre demi-sel. C’est vraiment dommage! Tiens, on devrait même lancer une initiative pour le rendre disponible ici ».