Surveiller Airbnb: le Canton prépare la riposte

LOCATION • Avec plus de 900’000 hôtes par an en Suisse, la plateforme de réservation Airbnb cartonne. Pourtant, la surveillance de ceux qui sous-louent leur logement tarde à se mettre en place. Pour en finir avec la loi de la jungle, le Conseil d’Etat vaudois prépare enfin sa contre-attaque.

En mars 2017, le Grand Conseil vaudois invitait le Conseil d’Etat à étudier l’impact d’Airbnb et à proposer rapidement des mesures. Plus de deux ans après, il semble que la volonté des députés soit restée lettre morte. Contactés pour s’en expliquer, les conseillers d’Etat Philippe Leuba et Béatrice Métraux, respectivement en charge de l’économie et de la sécurité, ont décidé de nous fournir une réponse conjointe: «Les mesures que le Conseil d’Etat entend prendre pour cadrer le phénomène Airbnb sont en cours de discussion, dans le cadre d’une réponse très fouillée apportée à deux postulats portant sur la question. Un rapport global est en cours de finalisation avant sa validation par le Conseil d’Etat et sa transmission au Grand Conseil. Il est donc trop tôt pour en dévoiler le contenu exact. A l’heure actuelle, la loi sur la préservation et la promotion du parc locatif (LPPPL) prévoit que le changement d’affectation d’un appartement loué jusqu’alors en la forme classique en un autre mode de location est soumis à une autorisation administrative. S’il est considéré que le logement est retiré du parc locatif, une demande d’autorisation de changement d’affectation devient nécessaire. La mise à disposition sur des plateformes type Airbnb de manière occasionnelle, durant quelques week-ends et les vacances scolaires, est tolérée.»

De rares contrôles

Après 28 mois, on peut légitimement espérer une réponse fouillée. D’autant que, dans la pratique, les contrôles de ceux qui sous-louent leur logement sont plutôt compliqués. Comme le confessent les deux conseillers d’Etat: «La grande majorité des locations porte sur des objets dont la capacité d’accueil est inférieure à dix lits, et souvent sans prestation hôtelière (service de petit déjeuner ou restauration), de sorte qu’ils échappent à l’obligation de se pourvoir d’une licence d’hôtel dans le canton de Vaud. Cela implique aussi qu’il n’appartient pas au canton d’effectuer des contrôles, qui incombent en réalité aux communes, à qui il revient d’exercer la surveillance sur les activités économiques déployées sur leur territoire. Chaque commune définit donc librement les contrôles qu’elle souhaite effectuer à ce sujet.»

On devine dès lors l’ampleur du problème. Pour être efficaces, les contrôles devraient donc être harmonisés entre toutes les communes vaudoises. Aujourd’hui, on en est loin. Le problème est que l’absence de surveillance stricte permet parfois à ceux qui font commerce de la location de biens immobiliers aux touristes de ne pas payer la taxe de séjour, mais aussi de ne pas être imposés sur leurs revenus locatifs. Comment mettre un terme à ces pratiques? Idéalement, les autorités pourraient se tourner vers Airbnb, mais la plateforme de réservation ne souhaite toujours pas d’accord permettant un contrôle automatique des locations. Ce qui n’est pas très étonnant.

Solution sous-estimée

Pourtant, une solution existe. Elle a été développée dans le canton de Vaud par la société Pilierpublic.com. Son principe est relativement simple: «Notre système envoie un message d’alerte à chaque client pour lequel au moins une nouvelle sous-location est proposée dans l’un ou l’autre des périmètres de surveillance qu’il a préalablement configuré, précise Guilhem Tardy, ingénieur EPFL et fondateur de Pilierpublic.com. Le lien contenu dans le message d’alerte permet de consulter d’un clic la page des détails de la sous-location, et d’un clic supplémentaire l’annonce originale sur le site Airbnb où les photos servent de confirmation avant de contacter le locataire et prendre les mesures adéquates.»

Ce service est utilisé par l’Association de communes de la région de Morges, mais il reste encore sous-exploité par les plus petites communes. Quant à Lausanne, le choix a été fait d’engager un agent recenseur dont le but sera de vérifier si les 9000 logements déclarés vacants le sont vraiment. Et s’ils ne servent donc pas à de la location sauvage sur Airbnb. On lui souhaite bien du courage.