RIE III: Vaud et Genève, les meilleurs ennemis du monde

Le 1er janvier prochain, la RIE III entrera en vigueur dans le canton de Vaud.

Cet avantage compétitif fait souffler un vent de panique à Genève.

Doit-on s’attendre à un exode massif des PME genevoises en terres vaudoises?

  • Dès le 1er janvier 2019, la concurrence fiscale entre Vaud et Genève se renforcera. DR

    Dès le 1er janvier 2019, la concurrence fiscale entre Vaud et Genève se renforcera. DR

«Notre but n’est pas d’avoir un coup d’avance sur Genève»»

Pascal Broulis, conseiller d’Etat en charge des Finances

Dès le 1er janvier 2019, les bénéfices d’une PME établie à Coppet seront taxés à 13,79%. Si elle est installée à Versoix, ce même taux restera inchangé à 24,2%. A seulement six kilomètres de distance, la différence de taxation est donc de 43%. Un gouffre! Marco*, le patron d’une entreprise versoisienne, se pose sérieusement la question d’un déménagement: «Le jeu en vaut la chandelle car nous sommes actifs dans les services. Il faut donc juste bouger quelques ordinateurs et une dizaine de bureaux. Je ne suis pas le seul à vouloir partir.» Jean-Hugues Busslinger, directeur de la politique générale au Centre Patronal, tient cependant à nuancer: «La baisse du taux rend le canton de Vaud plus attractif. En revanche, la RIE III prévoit une augmentation des allocations familiales et de la contribution en faveur des crèches et garderies, ce qui aura un effet sur les montants que doivent annuellement verser les entreprises. Lorsque le canton de Genève aura lui abaissé son taux, d’ici deux ans environ, les taux d’impositions devraient être semblables ce qui rétablira une certaine égalité d’attractivité.» Pour autant que le projet de réforme fiscale et de financement de l’AVS (RFFA), soit accepté par le peuple au mois de mai prochain. Et au vu des premiers sondages, ce n’est pas encore gagné puisque 51% des Suisses y seraient opposés.

Façade consensuelle

Dans ce contexte de concurrence accrue entre les deux cantons, Pascal Broulis, conseiller d’Etat en charge des Finances, se défend de vouloir torpiller ses voisins du bout du lac: «Notre but n’est pas d’avoir un coup d’avance sur Genève. Au-delà de la frontière politique qui le traverse, l’Arc lémanique est une seule et même entité économique avec 25’000 Vaudois qui vont quotidiennement travailler à Genève et 8000 Genevois qui font le chemin en sens inverse. Nous sommes dans le même bateau.» Avant de se réjouir: «Tant mieux si les conditions vaudoises sont ressenties comme attrayantes. C’est ce qui permettra de maintenir et de créer les places de travail de nos enfants, d’approfondir la diversification de notre économie dans le digital et les nouvelles technologies.» Même son de cloche de la part de Raphaël Conz, chef de service et responsable de l’Unité Entreprises au sein du Service vaudois de la promotion économique et du commerce: «Nous ne constatons aucune concurrence. Au contraire, les deux cantons collaborent activement au sein de structures qui s’inscrivent d’ailleurs à l’échelle de la Suisse occidentale. Comme Greater Geneva Bern Area pour prospecter les entreprises étrangères ou encore BioAlps et AlpICT, pour la promotion des sciences de la vie, des technologies de l’information et du numérique.»

Des chiffres à nuancer

L’enjeu pour les deux cantons est de maintenir les entreprises déjà installées, mais aussi d’en attirer de nouvelles. Que disent les derniers chiffres? En 2017, 24 nouvelles sociétés se sont implantées en terres vaudoises et 22 à Genève. Selon Pascal Broulis, la différence statistique vient peut-être de la taille des deux cantons et correspond à l’écart de la population. Pour Jean-Hugues Busslinger, la complexité de l’attractivité d’une destination doit être rappelée: «Accueillir de nouvelles entreprises ne dépend pas seulement d’une fiscalité avantageuse; de multiples paramètres sont en cause. A ce titre, on peut citer la disponibilité de terrains ou de locaux, leur prix, la proximité d’infrastructures de transport, l’accès à la main d’œuvre hautement qualifiée, etc. Il est difficile de tirer des conclusions du nombre d’installations d’une année sur l’autre, a fortiori lorsqu’on ne parle pas du nombre d’emplois dont la création est prévue.»

*nom connu de la rédaction