«Parler du suicide reste un tabou en Suisse mais il est important d’en parler explicitement»
Raphaël Thélin, coordinateur de l’association Stop Suicide
La question était à l’ordre du jour, au début du mois de mai, lors de la première séance post covid du Conseil communal lausannois, suite à une interpellation de l’élu PLC Nicola Di Giulio qui demandait à la Municipalité d’envisager la mise en place de filets anti-suicides au niveau des ponts lausannois (voir encadré). Et pour cause: diminuer les accès aux moyens de mettre fin à ses jours (armes à feux, ponts, médicaments etc.) est un levier important dans la prévention du suicide, d’autant qu’avec ses trois méga-ponts (Bessières, Chauderon et Grand-Pont), Lausanne est la troisième ville de Suisse, après Berne et Zoug à déplorer le plus de suicides depuis un lieu élevé.
En 2017 en Suisse, selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique, un millier de personnes environ ont choisi de mettre fin à leurs jours, soit la 4ème cause de mortalité après les maladies cancéreuses et cardio-vasculaires et les accidents. Pour les jeunes de moins de 30 ans, c’est même la première cause de décès. Quant au canton de Vaud, il se situe dans la moyenne suisse, mais avant Genève, où le taux est plus bas en raison de la spécificité urbaine du canton du bout du lac caractérisé par une plus grande proximité des ressources de soutien.
Autre particularité: deux tiers des suicides sont le fait des hommes: «La Suisse à l’instar de l’Europe, et à l’inverse de certains pays d’Asie, enregistre en effet trois fois plus de décès par suicide chez les hommes que chez les femmes, observe Raphaël Thélin de l’association Stop Suicide. Mais derrière ce chiffre, valable quel que soit l’âge, se cache une réalité plus complexe: car en fait, les hommes ont recours à des moyens de suicide plus létaux que les femmes, donc leurs tentatives de passages à l’acte ont plus de chances d’aboutir. En revanche, on observe trois fois plus de tentatives chez les femmes».
Baisse sensible
Depuis 20 ans pourtant, la situation s’est considérablement améliorée, le taux moyen de suicide en Suisse connaissant une baisse régulière, passant à 12,7 cas par 100’000 habitants contre 19,1 en 2000. «La raison principale de ces progrès est à chercher dans les mesures de mises en place, aussi bien en termes de prévention du suicide – communication avec la presse, baisse des accès aux moyens de suicide - que de promotion de la santé mentale, observe Raphaël Thélin. Pendant des décennies, il n’y a rien eu. Puis l’OMS a tiré la sonnette d’alarme poussant les états à mettre en place des politiques plus volontaristes».
Reste la problématique du suicide des jeunes, chaque année dans le canton un peu plus d’une dizaine de personnes âgées de 15 à 29 ans mettant fin à leurs jours, soit un décès sur trois dans cette tranche d’âge. «Chez les adultes, le processus qui mène au passage à l’acte est plus lent, alors que chez les jeunes on observe plus facilement des passages à l’acte spontanés, un mal- être temporaire pouvant basculer très vite vers une tentative.»
Et de conclure: «Parler du suicide reste un tabou en Suisse mais dans notre travail, on observe qu’il est important, utile et nécessaire d’en parler explicitement mais de manière bienveillante pour ouvrir un espace d’expression aux jeunes. Nous le faisons beaucoup avec ceux qui ont, à titre personnel déjà eu connaissance de situations de suicide. Mais aujourd’hui, le véritable enjeu est d’arriver à toucher les jeunes qui ne se sentent pas concernés par cette problématique».