Dans les méandres de la plate-forme OnlyFans, elles sont des milliers à proposer du contenu érotique ou pornographique en échange d’un abonnement payant. Il y a des hommes aussi, moins nombreux. Tous visent le même objectif: élargir leur communauté de fans. Ces derniers versent mensuellement entre 5 et 50 dollars par mois pour accéder à des photos, des vidéos ou des sessions de webcam. Un concept simple, mais diablement efficace. Profitant de la solitude et de la frustration engendrées par les divers confinements, le site compte désormais plus de 150 millions d’utilisateurs à travers le monde. C’est justement en plein cœur de la pandémie, en décembre 2020, que Spaecemoon (@spaecemoon) a franchi le pas. Cette Lausannoise de 25 ans a surtout été attirée par la liberté promise par la plateforme: «Sur Instagram, la nudité est censurée, j’ai donc cherché un autre réseau social afin d’exprimer pleinement ma féminité. Pour attirer de nouveaux abonnés, je propose des semaines d’essai gratuites. Cela m’oblige à publier quotidiennement du nouveau contenu, j’y passe donc beaucoup de temps, mais je trouve la démarche amusante. Elle me permet de désacraliser le porno.»
Hobby libertin
La jeune femme, qui revendique son appartenance au mouvement queer (ndlr: principalement composé de gays, lesbiennes, bi ou trans), l’avoue volontiers, elle ne cherche pas spécialement à s’enrichir grâce à sa communauté: «C’est mon métier de serveuse qui me permet de payer mes factures. Sur OnlyFans, je gagne environ 400 francs par mois. Je pourrais me faire plus d’argent si j’acceptais de rencontrer mes abonnés dans la vraie vie, mais j’ai toujours décliné jusqu’à présent.» Nymphéa Swissgirl (@nymphea.swissgirl) fait preuve de la même discipline. Cette polygraphe de profession qui vit sur la Riviera vaudoise refuse également tout contact physique avec ses membres: «On me le demande souvent, mais cela ne fait pas partie de mon délire. Pour moi, le sexe doit rester un moment de plaisir où le respect prédomine et non une prestation tarifée. Etre présente sur OnlyFans, c’est d’abord un hobby libertin. Je ne me mets aucune pression et je ne m’en cache pas. Ma famille et mes amis savent que j’ai un profil.» Celle qui confie volontiers être célibataire utilise les 1000 francs que lui rapporte son activité pour «se faire des petits weekends à l’étranger».
Nouveau job à plein temps
Sabrina*, une quinquagénaire vivant à Epalinges, nourrit une tout autre ambition. Elle espère bien pouvoir se constituer un joli pactole pour couler des jours heureux à l’étranger: «Je me donne à fond et mon nombre d’abonnés ne cesse de grimper. Il y a beaucoup de jeunes qui adorent les femmes mûres donc j’en profite. Et tout ceci au «black», c’est le rêve!» Pour parvenir à ses fins, elle n’a pas hésité à démissionner. «Avant, je travaillais comme secrétaire dans une petite PME familiale au Mont-sur-Lausanne, mais franchement je m’ennuyais toute la journée. Sur OnlyFans, je m’éclate et je donne du plaisir aux hommes.» Entre amateurisme amusé et appât du gain, la plateforme attire des profils très différents. Un constat que confirme Olivier Glassey, sociologue et spécialiste des usages du numérique à l’Université de Lausanne: «Pour attirer les fans, les réseaux sociaux traditionnels comme TikTok et Instagram servent souvent de tremplins. Certaines cherchent à acquérir une notoriété pour monétiser au mieux leur contenu alors que d’autres y voient une forme de jeu. Attention cependant car les espoirs peuvent vite se transformer en déception. Il peut arriver que certaines photos ou vidéos soient détournées et se retrouvent par la suite sur des sites purement pornographiques. Sans oublier que sa propre communauté d’abonnés peut aussi mettre une certaine pression sur les femmes en leur demandant régulièrement du contenu et parfois du contenu vraiment osé. Au final, quand on sait que le site ponctionne 20% de tous les revenus générés, on peut se demander si le jeu en vaut la chandelle.»
*prénom fictif, identité connue de la rédaction