Nuria Gorrite : «Créer de la prospérité et la partager équitablement»

2018 a été une année particulièrement difficile pour le Conseil d’Etat.

Affaire Broulis, départ annoncé de Pierre-Yves Maillard, le risque d’instabilité institutionnelle est grand.

Le point avec Nuria Gorrite, présidente du Conseil d’Etat, qui envisage l’avenir avec sérénité.

  • Nuria Gorrite, présidente du Conseil d’Etat vaudois. VERISSIMO

    Nuria Gorrite, présidente du Conseil d’Etat vaudois. VERISSIMO

«La stabilité du canton va au-delà des individus, d’autant qu’elle est garantie par nos institutions»

Avec l’année 2018, s’est achevée une «annus horribilis» pour le Conseil d’Etat, marquée, entre autres par ce qu’il a été convenu d’appeler «l’affaire Broulis»...

Non, je ne l’ai pas vécue comme ça, même si elle a été passablement dense! Pour moi, en tant que présidente du Conseil d’Etat, l’enjeu était de tenir le juste équilibre entre le respect de la sphère privée et déterminer ce qui relève de l’autorité publique en matière de situation fiscale de monsieur Broulis. L’objectif était de s’assurer que le conseiller d’Etat Broulis et son administration fonctionnaient selon les règles, et il me paraît évident que nous nous sommes donné les moyens de la transparence souhaitée par les Vaudoises et les Vaudois.

Tout de même, le travail n’a pas dû être facile dans un tel contexte...

C’était l’autre enjeu: faire en sorte qu’à l’interne, le collège gouvernemental puisse fonctionner normalement. Le résultat, c’est que le Conseil d’Etat sort renforcé et uni de cette étape: les décisions qui devaient être prises l’ont été et collégialement. Aucun de ses membres n’a souhaité la désunion.

Sur le fond, quelle limite doit-on désormais fixer entre le public et le privé?

Ce qui relève du privé se réduit de plus en plus. On va clairement vers une société qui exige plus de transparence, pas tant en termes de vie privée que de transparence financière. Le résultat, et c’est un peu paradoxal, c’est que désormais, le politique n’est pas au-dessus de la loi, mais même parfois au-dessous. En tant que Conseillers d’Etat nous ne pouvons par exemple pas contester une décision administrative qui nous concerne alors que cela relève du droit du commun des citoyens, sous peine d’être soupçonnés de favoritisme. Nous devons vivre avec notre temps, respecter l’aspiration populaire et accepter de rendre systématiquement des comptes sur la conformité de notre comportement avec les lois en vigueur et ce que l’on peut attendre en termes de probité de la part d’un élu.

Comment expliquez-vous ce changement?

D’abord il y a les réseaux sociaux, qui ont, à l’évidence, aboli les médiations. Et puis il y a aussi bien sûr la succession des affaires qui ont éclaté un peu partout, ici en Suisse et ailleurs dans le monde et qui ont donné l’impression que les élus pouvaient bénéficier de l’impunité alors que cela ne concerne qu’une petite minorité.

Dans ce contexte, quel regard portez-vous sur le départ annoncé de Géraldine Savary?

Elle a tiré les conclusions de la tourmente dans laquelle elle s’est trouvée. Elle est admirable de droiture, mais fait sévèrement les frais du fait qu’appartenir à un parti de gauche est très exigeant. Car son départ, elle l’a aussi décidé pour son propre parti, ce qui l’honore.

Venons-en à l’année 2019, marquée par le départ futur de Pierre-Yves Maillard. Ne lâchera-t-il pas le Conseil d’Etat au milieu d’une année cruciale?

Non pas du tout. Son départ était acté au plus tard pour la fin de la législature en raison des règles de notre parti. Il partira en laissant le meilleur bilan que l’on pouvait rêver à la tête de son département, pour aller, encore jeune, vers un nouveau job où il pourra mettre son énergie incroyable au service des travailleuses et des travailleurs et de ses idéaux encore intacts. Ce sera une chance pour le pays.

Avec les changements qui s’annoncent, le départ possible de Mme de Quattro et peut-être de Pascal Broulis, le Conseil d’Etat poursuivra-t-il sa tâche de manière efficace?

Ce qui confère au canton sa stabilité durable, au-delà des individus, ce sont ses institutions, ce pilier solide qui permet d’affronter les changements et les réformes. En 2019, notre ligne de conduite sera donc d’assurer le fonctionnement des institutions tout en maintenant le dialogue avec le Grand Conseil et la population. Nous le ferons aussi grâce au dialogue constructif entre les deux pôles gauche-droite qui permet que ces réformes soient adoptées, qu’elles garantissent la prospérité économique et qu’elle soit partagée avec le plus grand nombre.

Pour la première fois, le canton pourrait se retrouver avec 5 femmes au Conseil d’Etat...

Cela découlerait du fait que les meilleures personnes auront été librement choisies par les Vaudoises et les Vaudois! Ce serait une image très forte que donnerait le canton de Vaud, même si ce n’est pas un but en soi.

Quels défis majeurs entrevoyez-vous pour le canton l’an prochain?

L’emploi, encore et toujours, donc il nous faut réussir à garder les entreprises chez nous par la mise en œuvre de la RIE III et son volet fiscal, tout en stimulant l’innovation, à laquelle on consacrera 75 millions. L’autre enjeu sera bien sûr de continuer à partager notre prospérité: depuis ce 1er janvier, des milliers de personnes voient leur assurance-maladie plafonnée à 10% de leur revenu - le canton a mis 180 millions de plus sur la table pour cela -, tandis que les allocations familiales sont augmentées de 50 francs pour chaque enfant. Des familles entières seront donc un peu moins dans l’angoisse et vont pouvoir retrouver du pouvoir d’achat, ce qui est loin d’être négligeable.

Et pour le long terme?

Nous allons continuer à préparer l’avenir en continuant à investir dans les infrastructures (transports et établissements publics), et réussir notre transition numérique, un domaine dans lequel l’Etat doit absolument réaffirmer sa souveraineté au vu des évolutions actuelles.