«Les slogans hostiles à la police me révoltent»

SECURITE • Commandant de la police cantonale vaudoise depuis 2009, Jacques Antenen prendra sa retraite en juin prochain. L’occasion de revenir sur les évolutions du métier de policier et les nouvelles menaces qui se font jour. De la désobéissance civile au terrorisme en passant par la cybercriminalité.

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«La menace terroriste est sous-estimée dans notre pays»

Jacques Antenen, commandant de la police cantonale vaudoise

Lausanne Cités: Certains médias le rappellent presque chaque semaine, la violence exploserait dans le canton de Vaud, spécialement chez les jeunes. Cela se confirme sur le terrain?

Jacques Antenen: On constate empiriquement et ponctuellement une hausse de la violence, c’est vrai. Ce phénomène ne se retrouve pourtant pas dans les statistiques de la criminalité puisque les chiffres sont plutôt en baisse ces dernières années. Il faut garder à l’esprit que les statistiques ne disent pas tout. Ce qui m’inquiète surtout, ce sont les règlements de compte que l’on a pu constater récemment entre bandes de jeunes.

Vous êtes le patron de la police vaudoise depuis 2009. En douze ans, comment le métier de policier a-t-il évolué?

Positivement. La durée de la formation des policiers, par exemple, est passée d’un an à deux ans, ce qui est une bonne chose. Sur le terrain, le métier reste le même avec ce besoin quotidien d’être proche de la population. Tout en adaptant l’équipement des forces de l’ordre aux nouvelles menaces.

Vous faites allusion aux braquages de fourgons à l’arme lourde?

Oui, mais pas seulement. Sans comparaison avec ce qui peut se passer chez nos voisins français, les criminels sont plus lourdement armés que par le passé.

Ces dernières années, la société s’est largement numérisée. En matière de cybercriminalité, on sent la police cantonale désarmée avec des escrocs qui sévissent de l’autre bout de la planète en toute impunité, vous confirmez?

Vous avez exactement mis le doigt là où ça fait mal. Le problème dans les affaires de cyberattaques est celui de la poursuite pénale. Il s’agit de phénomènes mondiaux alors que les lois sont souvent nationales ou cantonales. Sans oublier qu’il est souvent très compliqué de débusquer les coupables. La police cantonale vaudoise mise avant tout sur la prévention en matière de cybercriminalité.

L’autre évolution concerne le militantisme, on assiste à des manifestations avec des slogans hostiles à la police comme «Tout le monde déteste la police», cela vous met-il en colère?

Oui, ces slogans, qui sont des insultes injustifiées aux policiers, me révoltent... J’ai beaucoup de peine à accepter la présence de graffitis ou l’exhibition de banderoles les affichant.

Donc, selon vous, la Ville de Lausanne aurait dû les interdire?

(sourire) Je ne commente pas les décisions politiques.

Les militants du climat, notamment ceux d’Extinction Rebellion, peuvent-ils passer à l’action violente?

Rien n’est impossible. Mais si une escalade de la violence devait être constatée, alors la police y apporterait une réponse adaptée. J’espère de tout mon cœur que cela ne se produira jamais et que nos policiers pourront toujours agir avec sérénité comme ce fut le cas à la ZAD de la colline du Mormont.

Même si la Suisse a été relativement épargnée par la menace terroriste, cette dernière existe. La police est-elle prête à y faire face?

La menace terroriste est clairement sous-estimée dans notre pays. Les attentats à Morges et au Tessin n’ont pas eu le retentissement médiatique qu’ils méritaient. La Confédération et les autorités d’une manière générale doivent apporter une réponse suffisamment forte pour endiguer cette menace, car elle est bien présente.

On va parler un peu de vous, vous prendrez votre retraite en juin 2022, avec le sentiment du devoir accompli?

Oui, je suis heureux d’avoir pu mener à bien diverses réformes qui me tenaient à cœur.

Si vous ne deviez en citer qu’une?

Le regroupement des trois centrales d’urgence (les pompiers, la police et la santé) dès 2022 si tout va bien. Cette réunion sur un même site, le bâtiment de l’Etablissement d’assurance contre l’incendie du canton de Vaud (ECA), de tous les partenaires sécuritaires du canton de Vaud sera unique en Suisse.

Bio express

Né en 1956 à Lausanne, Jacques Antenen a étudié à l’Université de Lausanne. Il y a obtenu une licence en droit, mention droit suisse, en 1979. Il débute sa carrière professionnelle comme greffier dans différentes cours du Tribunal cantonal vaudois, cette fonction lui permettant d’intégrer le domaine judiciaire. En 1983, il devient juge informateur de l’arrondissement de Lausanne, puis fonctionne dès 1987 en qualité de substitut du juge d’instruction cantonal. En 1997, il est désigné juge d’instruction du canton de Vaud, poste qu’il exerce jusqu’en 2009. Le 1er août de la même année, il est nommé commandant de la police cantonale vaudoise. Chef de la direction opérationnelle des polices vaudoises, il est aussi chef de la police judiciaire.