Les accouchements à domicile ont le vent en poupe

A Lausanne, comme ailleurs en Suisse, la pandémie de la Covid-19 a provoqué une augmentation du nombre d’accouchements hors milieu hospitalier. Ils sont considérés par bon nombre de couples comme plus sécurisants dans la période anxiogène que nous traversons. Cette tendance constante à la hausse devrait perdurer après la pandémie. Elle pourrait d’ailleurs profiter d’un autre phénomène.

  • Le 4e enfant de cette Vaudoise et de son compagnon a pointé le bout de son nez chez elle entre les mains expertes de la sage-femme Hélène Villars. SOPHIE ROBERT-NICOUD / WWW.SOFY.CH

    Le 4e enfant de cette Vaudoise et de son compagnon a pointé le bout de son nez chez elle entre les mains expertes de la sage-femme Hélène Villars. SOPHIE ROBERT-NICOUD / WWW.SOFY.CH

«Plus de femmes vont désormais se demander: est-ce que j’ai forcément besoin d’aller à l’hôpital pour accoucher?»

Alexandra Dousset, directrice de la Maison de naissance Eden.

Chaque année, 3 à 4% des femmes accouchent physiologiquement hors milieu hospitalier en Suisse. Une statistique qui risque bien d’augmenter en 2020. La crise de la Covid a en effet poussé davantage de futures mamans à envisager, voire à tenter, la naissance à domicile ou en maison de naissance. Soit des lieux qu’elles considèrent comme plus sécurisant dans l’actuelle ambiance anxiogène. Des couples qui n’avaient jamais pensé à accoucher à domicile sont passé à l’acte, le plus souvent par peur que le père ne puisse être suffisamment présent avant, pendant et après l’accouchement ou par peur de contracter le virus à l’hôpital.

Des contraintes mal vécues

Charlotte Moënnat, sage-femme à Aubonne (VD), a reçu trois demandes d’accouchement en ce sens. Elle n’est de loin pas la seule. Mais toutes les demandes n’ont pas pu être acceptées. «Une première naissance à la maison est un projet qui ne s’improvise pas à la dernière minute et qui ne doit pas être seulement motivé par la peur», souligne la Vaudoise. Ce projet n’est envisageable que pour des grossesses à bas risque, soit la majorité. Il est donc déconseillé aux rares parturientes Covid-positives.

Aujourd’hui, le CHUV ne limite plus la présence des pères aux 2 heures suivants la naissance de leur enfant, ni n’interdit leur visite dans les jours d’hospitalisation qui suivent. Mais c’était le cas au plus fort de la crise, ce qui a évidemment rebuté certains couples. «Par sécurité, le CHUV teste désormais systématiquement les femmes enceintes», précise Yvan Vial, responsable de l’unité d’échographie prénatale du CHUV. Là, le personnel a déjà accouché plus d’une vingtaine de femmes Covid-positives.

Courant en Hollande

Fin mars-début avril, Alexandra Dousset, directrice de la Maison de naissance Eden, lancée à Lausanne en octobre 2018, a reçu de nombreux coups de téléphone de femmes intéressées à accoucher dans son établissement une poignée de semaines plus tard. Elle n’en a finalement accueilli aucune. «D’une part car nous avons déjà plus de demandes que de places, mais aussi parce qu’une naissance physiologique se prépare des mois à l’avance. Mais cette crise a semé des graines. Plus de femmes vont désormais se demander: est-ce que j’ai forcément besoin d’aller à l’hôpital pour accoucher?»

En Hollande, les naissances à la maison restent très courantes et on a un peu oublié qu’elles furent longtemps la norme en Suisse. Dans notre pays, une progression du nombre de naissances non médicalisées était déjà constatée depuis plusieurs années. En 2019, l’association suisse des maisons de naissance enregistrait par exemple 2151 nouveau-nés dans ses 29 établissements. Soit 160 de plus qu’en 2018.

Méfiance latente

Cette tendance constante à la hausse devrait perdurer après la pandémie. Elle pourrait d’ailleurs profiter d’un autre phénomène: «De plus en plus de femmes choisissent pour l’instant de vivre leur phase de “travail” physiologiquement à la maison sous la supervision d’une sage-femme avant de se rendre le plus tard possible à la maternité. Un jour, certaines d’entre elles franchiront le pas…», pronostique la sage-femme indépendante Nathalie Luisoni.

Le thème des «violences obstétricales», très médiatisé ces dernières années, renforce le phénomène. «Tout comme la montée d’une forme de méfiance vis-à-vis d’un personnel médical, trop souvent asservis aux protocoles et qui, par l’hypermédicalisation, joue parfois au pompier-pyromane sans le savoir», conclut Laure, 39 ans, qui vient d’accoucher à la maison de naissance de Lully, loin du Covid.

Pas plus à risque que les autres femmes

Pour l’OFSP, les femmes enceintes ne sont pas une population à risque. «Les patientes chinoises Covid-positives n’ont pas transmis le virus à leur bébé ni n’ont subi plus d’accouchement prématuré que les autres et leurs évolutions se sont révélées favorables jusqu’ici. Les nourrissons semblent être très peu enclins à attraper le virus», insiste Yvan Vial, gynécologue au CHUV. Cela peut sembler paradoxal, car le système immunitaire d’une femme enceinte est moins réactif aux agressions extérieures notamment afin que son corps ne rejette pas le bébé. Nombre des concernées se considèrent malgré tout comme plus vulnérables que les autres et redoutent d’affronter le «marathon» qu’est un accouchement affaiblies.