«Le TGV va faire un effort considérable pour les Vaudois»

Au départ de Lausanne, le TGV vers Paris va modifier en profondeur son offre dès décembre 2019.

La décision qui a pour corollaire la suppression de l’une des quatre dessertes directes via Vallorbe a provoqué la colère du Grand Conseil et du Conseil d’Etat vaudois.

Fabien Soulet, directeur général de TGV Lyria, revient sur la polémique et explique pourquoi les changements seront très bénéfiques pour les Vaudois.

  • Fabien Soulet, directeur général de TGV Lyria en gare de Vallorbe. DR

    Fabien Soulet, directeur général de TGV Lyria en gare de Vallorbe. DR

«La capacité de chaque train sera augmentée à 500 places»

«Chaque jour une centaine de places en plus depuis Vallorbe»

Avec les modifications de l’offre depuis Lausanne, Lyria est accusé de malmener les Vaudois et les Lausannois…

Rappelons d’abord que des discussions sont en cours entre les autorités régionales, notamment vaudoises, Lyria et ses actionnaires (SNCF et CFF). J’ai d’ailleurs à cœur de trouver, dans le dialogue, des solutions d’apaisement en expliquant ici le plus factuellement possible les articulations de notre projet. La mission première de TGV Lyria est de relier les principales villes de Suisse et de France. Or Lausanne est la grande bénéficiaire de notre projet. Lyria va y monter en puissance, avec une augmentation de la desserte vers Paris, aussi bien en fréquence qu’en sièges. Tout simplement parce que c’est un projet stratégique pour nous. Les déplacements entre la Suisse et la France vont augmenter de 25% dans les prochaines années selon une étude de l’EPFL. Nous souhaitons donc absolument augmenter notre part de marché et capter la majorité de cette croissance, tout en contribuant à décarboner le transport, à une période de grands questionnements sur le changement climatique.

Comment comptez-vous procéder pour gagner des parts de marché, alors que la concurrence est très rude avec le transport aérien?

Avec une amélioration quantitative mais aussi qualitative de notre offre! Lyria va mettre en service en Suisse des TGV à 2 étages qui vont permettre d’offrir 150 places en plus par train. La capacité de chaque train sera donc portée de 350 à 500 passagers. Et puis, il y a aussi l’augmentation du nombre de liaisons quotidiennes, qui vont passer à 6 allers-retours entre Lausanne et Paris, contre actuellement 4 à 5 selon les jours. Sur les 6 nouvelles liaisons quotidiennes, 3 liaisons directes passeront par Vallorbe (contre 4 aujourd’hui) et 3 liaisons directes par Genève (contre 1 actuellement).

N’est-ce pas un mauvais deal pour les Lausannois?

Non, bien au contraire. Grâce aux 6 trains par jour, Lausanne aura un train environ toutes les 2 heures 30 vers Paris, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Par exemple, il n’y a pas de train actuellement entre 8h23 et 12h23. Aujourd’hui de nombreux Lausannois et Vaudois passent déjà par Genève, qu’ils rejoignaient avec une correspondance CFF, ce qui allonge d’environ 30 minutes leur temps de parcours par rapport à Vallorbe. Lyria leur proposera demain des dessertes par Genève sans correspondance et pour seulement 16 minutes supplémentaires de trajet par rapport à la liaison directe via Vallorbe. Et nous comptons bien aussi séduire les voyageurs qui restent aujourd’hui dans le train jusqu’à Genève Aéroport pour prendre un vol vers Paris!

Le canton de Vaud a fait une proposition d’horaire alternatif avec 4 liaisons au départ de Lausanne via Vallorbe. Qu’en pensez-vous?

Cette proposition ne tient pas compte des besoins en maintenance des TGV qui sont nécessaires pour la sécurité. De plus, elle prévoit uniquement quatre liaisons par jour entre la capitale vaudoise et Paris et aucune par Genève. Or nous proposons 5 dessertes aujourd’hui et 6 à la fin de l’année. Cela reviendrait à réduire le nombre de TGV Lyria entre Lausanne et Paris.

Donc pour vous, Lausanne sera mieux desservie que par le passé?

Oui, sans aucun doute, puisqu’au final, il va y avoir une augmentation en capacité de sièges de 30% depuis Lausanne et un à deux trains supplémentaires par jour. Il faut bien se rendre compte qu’une augmentation aussi importante en si peu de temps est exceptionnelle dans le transport ferroviaire. C’est un véritable effort en faveur des Lausannois et des Vaudois qui montre bien que Lyria croit dans l’avenir et le dynamisme à la fois du canton et de sa capitale.

 

Tous les Vaudois devraient donc y trouver leur compte, en êtes-vous sûr? Les habitants de Vallorbe auront une liaison en moins…

Vallorbe est une gare historique, et c’est aussi une desserte incontournable de notre réseau. Malgré la fréquence en moins, notre projet apporte trois avantages. Premièrement, dans les faits, nous fusionnons la liaison de 7 heures du matin avec celle de 9 heures pour créer une liaison à 8 heures qui permet d’arriver avant midi à Paris. L’horaire de 7 heures, qui part de Lausanne à 6h23, voit trop peu de passagers embarquer, notamment en provenance d’autres communes vaudoises comme Aigle ou Montreux pour qui l’horaire est trop matinal. Quant à celui de 9h, il était trop tardif pour ceux qui ont un repas à midi à Paris. Deuxièmement, depuis Vallorbe, une centaine de places supplémentaires sera en réalité proposée par jour en semaine et dans chaque sens, avec les rames à deux étages. Nous prévoyons ainsi de transporter plus de passagers au départ de Vallorbe et du Jura.

En ajoutant une desserte via Genève, on vous accuse de contribuer encore plus à congestionner l’un des axes les plus saturés d’Europe!

Justement, nous avons travaillé étroitement avec les CFF pour insérer les TGV Lyria via Genève dans le plan de transport existant. Les trois trains quotidiens via Genève occuperont, à partir de 2020, les sillons existants de l’Euro-City vers Milan à des horaires où celui-ci ne circule pas.

Comment voyez-vous la suite avec le Canton de Vaud?

Nous avons eu plusieurs instances de travail avec le Canton, lors desquels nous nous sommes efforcés de clarifier notre projet. Nous avons compris l’importance de la desserte via Vallorbe, et de sa pérennité qui, je le rappelle, est au cœur de notre schéma. Nous sommes en contact régulier, et l’OFT a proposé de réunir prochainement l’ensemble des parties suisses et françaises, ce qui est une bonne chose. Nous sommes tous attachés à mettre en place une desserte de haute qualité pour les Vaudois et sommes convaincus que nous trouverons une solution satisfaisante pour chacun.

Vaud outragé! L'éditorial de Charaf Abdessemed

Ah la Ville Lumière et son éternelle capacité à déclencher les passions! Paris outragé, Paris martyrisé, Paris éloigné! Car chez nous, depuis que Lyria, la société qui gère les relations TGV entre la Suisse et la France a annoncé d’importants changements pour 2020, la foudre est tombée, le Grand Conseil et le Conseil d’Etat se sont fâchés et ont exprimé leur mécontement.

Mais pour quoi, au juste?

Dès l’année prochaine en effet, Lyria consent de nombreux efforts pour améliorer les relations entre la Suisse et la France. Souffrant d’un déficit d’image et plus encore de l’impitoyable concurrence du low cost aérien, Lyria se devait de réagir, pour espérer sauver sa part du trafic voyageurs entre l’arc lémanique et la capitale française.

Et c’est chose faite. Les TGV seront renouvelés avec des rames rehaussées d’un étage, les dessertes améliorées, le tout pour une augmentation de l’offre en sièges depuis Lausanne de 30%!

Alors contents les Vaudois? Eh bien non, car dans certains cas, il faudra, ô hérésie, passer par Genève, tandis que c’est vrai, Vallorbe perd une de ses 4 dessertes quotidiennes en direction de Paris, tout en voyant tout de même le nombre de sièges global mis à disposition nettement augmenter.

Pour le Conseil d’Etat vaudois, que l’on a connu moins prompt à s’indigner lors de la fermeture de bureaux de poste périphériques, l’affaire a pris l’allure d’une croisade, avec mobilisation tous azimuts, oubliant que le canton n’aura jamais bénéficié d’une telle qualité de desserte ferroviaire en direction de Paris.

A croire que l’appétence du gouvernement pour le compromis dynamique, si elle a fait des étincelles au sein du collège exécutif, trouve ses limites lorsqu’il s’agit de négocier avec des partenaires extérieurs aussi incontournables que rudement soumis aux lois de la concurrence.