Lausanne n'est pas près de bannir la publicité de son territoire

ESPACE PUBLIC • Un postulat déposé au Conseil communal demande à la Municipalité d’envisager l’interdiction pure et simple de toute publicité commerciale dans l’espace public lausannois. La Ville, qui engrange chaque année trois millions de francs de redevances, juge l’idée contreproductive.

  • Selon les initiants, supprimer la publicité sur l’espace public permettrait de lutter contre la surconsommation. VERISSIMO

    Selon les initiants, supprimer la publicité sur l’espace public permettrait de lutter contre la surconsommation. VERISSIMO

Interdire la publicité sur le domaine public, c’est priver la Ville de recettes importantes
Grégoire Junod, syndic de Lausanne

C’est une petite musique qui monte depuis un moment. Un peu partout en Suisse romande, mais aussi à Lausanne. Surtout depuis l’adoption en février dernier, de l’initiative «Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac», acceptée par le peuple avec 56,6% des voix. Dans le canton de Vaud, le texte a même recueilli 67% des suffrages, 77% à Lausanne. De quoi donner des ailes à ceux qui estiment indispensable de bannir totalement la publicité commerciale dans tous les espaces publics de la Ville.

L’extrême gauche en tout cas, a déposé au Conseil communal un postulat intitulé «Lausanne sans publicité commerciale», invitant la Municipalité à «mettre en œuvre une politique cohérente de gestion de l’affichage», un euphémisme visant à interdire la publicité comme outil de «lutte contre la surconsommation et la réduction de l’empreinte écologique de Lausanne.»

«Nous avons repris pour l’essentiel l’initiative qui vient d’être adoptée à Genève (ndlr: attaquée par référendum), explique Franziska Meinherz, une des deux postulantes. Les publicités commerciales incitent à consommer pour consommer, et représentent une grande part des émissions indirectes de CO2 sur le territoire communal, un paramètre dont le plan climat de Lausanne ne tient pas compte». «L’interdiction de la publicité reste un levier pour atténuer la crise climatique tout en favorisant le commerce local, renchérit le Vert Oleg Gafner. D’autant que pour l’essentiel, dans notre espace urbain, elle est réservée aux grandes entreprises.»

De l’autre côté de l’échiquier politique évidemment, l’idée ne séduit pas: «Ils pourraient aussi interdire la publicité dans les journaux, ou bien les noms de marques sur les habits tant qu’ils y sont, ironise la PLR Florence Bettschart-Narbel. Nous pensons qu’en matière de publicité, les gens sont assez raisonnables pour avoir du recul et analyser la situation par rapport à ce qu’on leur offre. N’oublions pas que de larges pans de l’économie fonctionnent grâce à elle.»

Report sur le domaine privé

Mais l’idée ne déplait pas uniquement à droite. La Municipalité se dit résolument contre: «Je comprends bien l’intention de réduire la publicité commerciale, convient le syndic Grégoire Junod. Mais les choses sont bien plus compliquées qu’il n’y paraît. L’interdire sur le domaine public, c’est d’une part priver la Ville de recettes importantes mais aussi la reporter sur le domaine privé où elle est bien moins règlementée et presque sans limites.»

Pour rappel, en 2015, la Municipalité, alors dirigée par Daniel Brélaz avait sèchement rejeté une interpellation similaire appelant à «libérer l’espace public de la pollution de l’affichage publicitaire.» Et pour cause, à l’époque déjà, la Ville encaissait environ 2,5 millions de francs annuellement au titre de la redevance sur l’affichage dans son espace public. Sept ans plus tard, ce montant s’élève, selon les chiffres fournis par la municipale en charge des finances Florence Germond, à trois millions de francs hors TVA.

La Ville agit

«Le montant de cette redevance permet à la Ville mais aussi aux milieux culturels, sportifs et associatifs lausannois de bénéficier d'espaces d'affichage gratuits pour une valeur de 750'000 francs, ajoute la municipale. Par ailleurs nous avons veillé à diminuer le nombre de supports et à fixer des règles permettant d’interdire les publicités sexistes ou racistes et de restreindre celles liées au crédit à la consommation.»

 

Près de 1000 supports à Lausanne

Le territoire de la commune de Lausanne offre pas moins de 970 supports d’affichage commercial, ainsi que 400 supports d’affichage culturel pour la ville et 345 pour la SGA, la Société générale d’affichage. C’est d’ailleurs cette société qui, suite à un appel d’offres, loue à la Ville des emplacements d’affichage sur le domaine communal pour les commercialiser ensuite. Avec des prix jugés exorbitants selon les rédacteurs du postulat «Lausanne sans publicité commerciale», qui les estiment «hors de la portée des artisans et commerçants lausannois.»

De nombreux avantages?

Une interdiction totale de la publicité commerciale, qui exclut l’affichage culturel, aurait non seulement un impact en termes d’émissions indirectes de gaz à effet de serre, mais présenterait également, selon les rédacteurs du postulat, de nombreux bénéfices: faciliter l’affichage culturel, faciliter l’évolution des personnes à mobilité réduite sur l’espace public, libérer de l’espace pour la plantation d’arbres etc. Reste un petit détail: la Ville n’a la compétence d’interdiction qu’en ce qui concerne l’affichage sur le domaine public. «En cas d’interdiction par le Conseil communal, explique la municipale Florence Germond, la publicité se reporterait sur les murs des privés, ce qui priverait la Ville de moyens pour cadrer cette activité».