La fronde anti-voiture ne décourage pas les automobilistes

MOBILITE • Malgré les innombrables incitations à opter pour la mobilité douce et les transports publics, la voiture fait de la résistance. En dix ans, le parc automobile a augmenté de 1,8% au sein de l’agglomération lausannoise.

  • Dans l’agglomération lausannoise, la voiture reste privilégiée pour les déplacements quotidiens. VERISSIMO

    Dans l’agglomération lausannoise, la voiture reste privilégiée pour les déplacements quotidiens. VERISSIMO

«Les régions moins bien desservies par les transports publics sont discriminées»

Xavier De Haller, vice-président du PLR lausannois

Pour réduire de manière importante le nombre de voitures au sein de l’agglomération lausannoise, il faudra se lever tôt et se coucher tard. Selon les chiffres fournis par Pascal Chatagny, chef du Service des automobiles et de la navigation (SAN), il y avait 64’890 automobiles immatriculées en 2011 et 66’078 en 2020. Soit une hausse de plus de 1,8% si l’on considère les communes de Lausanne, Cheseaux, Epalinges, Jouxtens-Mézery, Le Mont-sur-Lausanne et Romanel-sur-Lausanne. Cela signifie-t-il que la politique anti-voiture est un échec? «Il n’y a pas de politique anti-voiture, mais une politique en faveur des transports publics et de la mobilité douce. La voiture est le moyen le moins efficace pour se déplacer en termes d’occupation de l’espace, note Patrick Etournaud, chef du service lausannois des routes et de la mobilité. L’augmentation de la population entre 2011 et 2020 a été très forte (+10,5%) tandis que celle du nombre de véhicules n’a été que de 1,8%.»

Régions discriminées

Une bataille des chiffres à laquelle participe volontiers Xavier De Haller, vice-président du PLR lausannois: «Le nombre de véhicules en circulation dans le canton de Vaud est passé de 474’591 en 2007 à 577’633 en 2018. Cela confirme que les besoins en infrastructures routières et en stationnement doivent aussi être pris en compte par les politiques publiques, notamment à Lausanne qui se veut attractive économiquement. Actuellement, la politique menée a pour conséquence de discriminer les régions moins bien desservies par les transports publics.»

Un avis que partage Jean-Luc Pirlot, secrétaire de l’Union professionnelle suisse de l’automobile: «Même en prenant des mesures coercitives, dissuasives et contraignantes, le parc automobile continue d’augmenter et il va encore le faire en raison de la démographie. Notre plus gros problème réside dans l’augmentation de la population et cette dernière aspire encore et toujours à avoir accès au trafic individuel motorisé, que ce soit pour le travail ou pour le plaisir.»

Alors, les Lausannois seraient-ils accros à leur voiture? C’est ce que suggère une récente étude de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Quand les Genevois sont 78% à ne jamais prendre leur automobile pour aller au travail, dans la capitale vaudoise ils ne sont que 61% à la laisser au garage.

Pas de quoi convaincre Daniel Dubas, conseiller communal Vert lausannois: «Il ne s’agit pas d’opposer les modes de transport, mais de choisir le bon moyen au bon endroit. La multimodalité est importante, mais elle ne signifie pas de maintenir l’emprise de la voiture sur la ville. Plus on s’approche du centre-ville, moins la voiture à sa place.»

Porte-parole du TCS, Valérie Durussel ne l’entend pas de cette oreille: «Chasser les véhicules des villes n’est pas une solution, nous le disons depuis des décennies. Au contraire, les centres urbains devraient miser sur la complémentarité des différents moyens de transport et offrir des options de transfert attractives. Ensuite, libre aux gens de choisir le mode de transport qui leur convient le mieux.» La liberté, un symbole apparemment toujours véhiculé par la voiture…

Quelles solutions pour demain?

En questionnant les politiques et les spécialistes de la mobilité urbaine, une tendance se confirme: le fossé entre les adeptes de la liberté procurée par la voiture et ceux qui prônent un changement de cap se creuse toujours davantage. Avec des solutions parfois radicalement opposées. Pour le conseiller communal Vert Daniel Dubas, la Ville de Lausanne doit réduire le nombre de places de parc tout en développant les transports publics et les pistes cyclables. Une position partagée par Marc Antoine Messer, directeur du bureau de sciences sociales Mobilhomme: «Le levier du stationnement est un des plus performants pour agir sur le choix modal individuel.» Xavier De Haller, vice-président du PLR lausannois, milite quant à lui pour un centre-ville prioritairement piéton, mais facilement accessible. Une idée qui séduit Jean-Luc Pirlot, secrétaire de l’Union professionnelle suisse de l’automobile: «Nous sommes favorables à une politique visant à élargir le périmètre piéton de la ville, mais cela doit être fait de manière intelligente et non en installant simplement des blocs de béton!»