«J’ai l’impression d’habiter dans une maison hantée»

Au chemin d’Entre-Bois, dans le quartier de Bellevaux, plusieurs immeubles sont gérés par la Ville de Lausanne. Beaucoup de locataires se plaignent de leur gestion.
Motifs d’insatisfaction: une absence de réactivité face aux demandes effectuées nécessitant des travaux de réfection ou de mise aux normes.
La municipale en charge du Logement, Natacha Litzistorf, admet qu’un «potentiel d’amélioration» existe.

  • Dans plusieurs appartements, on note des traces d’usure et des fenêtres mal isolées. MISSON

    Dans plusieurs appartements, on note des traces d’usure et des fenêtres mal isolées. MISSON

«Cet hiver, il faisait 13 degrés dans ma chambre»

Catherine, une habitante

Infiltrations, moisissures, fenêtres mal isolées, hauteur de balcon non conforme, chauffage aléatoire: mais que se passe-t-il donc dans certains immeubles d’Entre-Bois, dépendants de la gérance de la Ville de Lausanne, pour que de nombreux locataires se plaignent de leur gestion?

De nombreuses plaintes

Dans tous les cas, les plaintes se multiplient et touchent à de nombreux sujets: outre les récurrents soucis de tuyauterie, et autres, elles concernent aussi la difficulté à joindre la gérance et à obtenir des réponses aux lettres envoyées. Elles dénoncent une réactivité moindre face aux multiples demandes d’intervention. «Nous avons l’impression qu’ils ne font rien. Pour qu’ils envoient quelqu’un effectuer de simples travaux, cela semble être un parcours du combattant», indique un locataire du quartier, qui souhaite rester anonyme, comme la majorité de ceux que nous avons interrogés.

Une autre habitante déplore avoir dû attendre deux mois la réponse à une lettre dans laquelle elle signalait un problème. Cette dernière était d’ailleurs arrivée après qu’elle se soit finalement résignée à se rendre en personne dans les locaux du Service du logement et gérances pour faire part de ses doléances. Elle ajoute: «Je me souviens d’une voisine, elle avait appelé la gérance car ses toilettes étaient bouchées. On lui avait répondu que ce n’était pas urgent. Vous vous rendez compte? De la part de la Ville, c’est honteux», poursuit-elle.

Comme dans une maison hantée

Un autre habitant poursuit: «A de nombreux points de vue, nos immeubles ne sont plus aux normes. Par exemple, la hauteur des balcons n’est pas conforme aux règlementations actuelles. Nous l’avons fait remarquer à la gérance, en proposant l’installation d’une barrière, mais rien n’a été entrepris.»

Et les dires des uns confirment ceux des autres. Catherine habite le quartier depuis 42 ans. Elle ne mâche pas ses mots: «Cela fait deux mois et demi que la gérance m’a indiqué qu’ils enverraient quelqu’un pour réparer les caissons des stores. Ces derniers ont des trous. Lorsqu’il vente, l’air rentre, et le bruit que cela provoque nous donne l’impression d’être dans une maison hantée! Les fenêtres sont mal isolées et les joints ont été intentionnellement coupés à certains endroits. On nous a dit que c’était pour que cela crée une aération, car certaines personnes n’aèrent pas. C’est incroyable!»

Cela sans compter sur un chauffage qui, même réglé au maximum, ne fonctionne pas bien. «Cet hiver, j’avais 13 degrés dans ma chambre», poursuit Catherine. «Nous sommes plusieurs à avoir appelé la gérance pour leur indiquer qu’il faisait trop froid. J’ai dû rajouter des radiateurs électriques. En plus de ne pas être écologique, cela me coûte cher en électricité.»

Les problèmes récurrents de tuyauterie sont également un sujet de plainte. Ils sont liés à une très basse pression de l’eau – «quand j’ouvre mon robinet, je n’ai qu’un mince filet d’eau qui coule» - ou à des canalisations fréquemment bouchées. Une partie des gens semble payer d’elle-même les interventions annuelles du plombier, indique une source proche. Cette dernière précise que la gestion de son précédent logement, tenue par la Ville, était catastrophique. «Nous avions des infiltrations d’eau dans ma chambre et, à part repeindre, ils n’ont jamais pris le problème sérieusement en main.»

La Ville prend acte

Municipale en charge du Service du Logement et gérances de la Ville, Natacha Litzistorf confirme que certains bâtiments anciens du quartier d’Entre-Bois, tels que les n° 9 et 11, nécessitent plusieurs interventions, surtout au niveau sanitaire. «Certains appartements sont bien entretenus, et d’autres sont plutôt vétustes. Par contre, ils ne sont pas insalubres et l’entretien s’effectue dans le cadre du budget d’entretien courant, selon les nécessités prioritaires.»

Des explications qui vont à l’encontre de certaines des images que nous avons eues en notre possession et qui montrent qu’un appartement peut être laissé à l’abandon, avec des moisissures et de l’humidité, ainsi que les mauvaises odeurs les accompagnant, ou encore des nids de fourmis. Après plusieurs lettres envoyées au Service des gérances de la Ville, aucune intervention n’a dans tous les cas pas encore mis un point final à ces problèmes. Catherine, de son côté, a le sentiment de faire face à un laisser-aller total. «Nous avons l’impression que puisque l’on paie des loyers bas, dans des logements subventionnés, nous sommes laissés de côté», déplore-t-elle.

Un potentiel d’amélioration

Cette dégradation des prestations semble avoir lentement commencé au moment où le Conseil communal a voté, en 2009, la dissolution de l’ex-régie Colosa, dont la raison de commerce a été officiellement radiée en 2014, et qui était donc déjà gérée par la Ville. «Comme partout il y a un potentiel d’amélioration, et nous avons constaté que nos temps de réponse peuvent être trop longs, ou qu’il n’y a pas eu une réactivité suffisamment efficace. Nous nous engageons à le rectifier, pour que les travaux nécessaires soient faits dans les logements», conclut Natacha Litzistorf.

Indifférence crasse, l'éditorial de Fabio Bonavita

«Gérer, développer et valoriser le patrimoine immobilier de Lausanne, de manière équitable, durable et reconnue». C’est l’une des principales missions du Service du logement et des gérances de la Ville. Sur le papier en tout cas, car dans les faits, c’est une autre histoire.

Un exemple? Au chemin d’Entre-Bois, de nombreux locataires vivent un véritable enfer dans l’indifférence générale. Outre les innombrables traces de moisissures et autres toilettes bouchées, des fenêtres sont mal isolées provoquant ainsi d’importantes pertes de chaleur.

Un gaspillage énergétique qui concerne également le système de chauffage vétuste. Ce dernier oblige les habitants à acheter des radiateurs électriques d’appoint. Pour la durabilité, on repassera.

Plus inquiétant encore, cette situation ne concerne pas seulement un ou deux appartements, mais plusieurs immeubles du quartier. Malgré les plaintes répétées des locataires, les courriers et autres appels téléphoniques restent sans suite. Faut-il y voir la morgue de certains fonctionnaires? Ou un dysfonctionnement généralisé du Service du logement et des gérances de la Ville? Difficile d’y répondre à ce stade.

Seule certitude, Natacha Litzistorf, municipale en charge du Logement, de l’environnement et de l’architecture, confirme qu’il existe un potentiel d’amélioration. Un euphémisme qui en dit long sur l’attentisme ambiant. La municipale verte tient cependant à apaiser la colère des locataires, des travaux de réfection seront réalisés dans les logements concernés. Reste à savoir dans quel délai. Au vu de la réactivité du Service du logement et des gérances de la Ville, il n’y a vraiment pas de quoi être rassuré...