Guantanamo à la gare de Lausanne: une fake news d'extrême gauche

POLÉMIQUE • Un centre de compétences sécuritaires de 3000 m2 devrait être construit en gare de Lausanne. Le collectif «Droit de rester» s’en indigne en s’emmêlant les pinceaux. Récit d’une polémique qui n’en finit pas.

  • Voilà ce à quoi devrait ressembler la gare de Lausanne, côté rue du Simplon. CFF

    Voilà ce à quoi devrait ressembler la gare de Lausanne, côté rue du Simplon. CFF

Jean-Christophe Sauterel, chef communication et prévention de la Police vaudoise

«Maintenant, c’est la gare de Lausanne à laquelle il nous faudra penser lorsque les mots indignité, racisme, violence étatique, crime occidental raisonneront dans nos têtes face à la misère du monde»… Un Guantanamo serait-il sur le point de voir le jour en gare de Lausanne? En lisant la lettre ouverte rendue publique mi-février par «Droit de rester», collectif dédié à la défense des requérants d’asile, on serait tenté de le croire.

Cette missive, rédigée en écriture dite «inclusive» et signée par 48 figures locales dont les écrivains Quentin Mouron et Blaise Hoffmann ou le député Ensemble à Gauche Hadrien Buclin, s’indigne que la construction d’un «centre de sécurité géant» de 3 000 m2 «composé de cellules de rétention et de salles d’audition» soit prévue «sous les rails» au cœur de Lausanne dans le cadre de l’ambitieuse réfection de la gare.

A boulets rouges sur la police

Le courrier fustige aussi au passage, exceptions caricaturales à l’appui, les supposés «éthique et sens de l’ouverture à géométrie variable» de la police. Dans la foulée, le nez dans le guidon, des représentants des milieux politiques, associatifs et culturels se fendent d’une seconde lettre déplorant l’installation de ce centre répressif à quelques dizaines de mètres des salles d’expo du pôle muséal Plateforme 10.

Renseignements pris auprès des CFF et de la Police cantonale, ce «futur centre de compétences sécuritaires» ne fera pourtant en réalité que réunir dans un nouveau bâtiment, la douane, la police cantonale et la police ferroviaire. Lesquels officient déjà à la gare sur les même missions mais dans des locaux séparés ne répondant plus aux normes de sécurité ni aux exigences du nouveau code de procédure pénal.

A terme, 80 à 100 personnes investiront le nouveau bâtiment de trois étages sur 3 000 m2 dont 700 de couloirs et 500 de parkings dans un souci de synergie et d’économie.

Contrer les voleurs pas les «migrants »

«Il n’a jamais été question d’y faire des cellules pour renvoyer les étrangers», rappelait la conseillère d’Etat en charge Béatrice Métraux alors que la polémique enflait. «L’objectif principal reste de garantir la sécurité des usagers de la gare, pôle modal majeur en Romandie et des trains qui s’y arrêtent. La quinzaine de policiers des transports et la douzaine de policiers cantonaux, travaillant là, s’occupent principalement des vols de bagage et de la lutte contre les pickpockets. Et pas du tout d’immigration clandestine qui est l’apanage de nos collègues de la Police de sureté à la Blécherette», rappelle Jean-Christophe Sauterel, chef communication et prévention de la Police vaudoise.

Le bâtiment ne comprendra d’ailleurs aucune cellule de rétention mais une unique simple cellule et huit locaux de garde à vue dans lesquels les prévenus passent quelques heures et au maximum 24h. A mille lieues de Guantanamo donc!

L’indignation mal informée est d’autant plus étonnante que fin décembre, le Conseil d’Etat avait soumis au Grand Conseil un crédit d’étude de 132’000 francs autour de ce projet pas vraiment «top secret».

Lettre ouverte toujours en ligne

Publiée sur la plateforme de pétitions en ligne Change.org, la lettre ouverte baptisée «Des cellules de rétention sous les rails» invite les citoyens à apposer leur signature pour soutenir l’arrêt du projet de centre de compétences sécuritaires. Le texte, rédigé par le collectif «Coordination contre les renvois Vaud», attaque frontalement la capitale vaudoise: «Dans cette Europe qui organise avec tant de tact pour les nantis l’externalisation de ses frontières, Lausanne, la bonne ville de gauche, entre pittoresque, université et grève du climat, n’y voit rien à redire.» Et d’ajouter: «La gare de Lausanne ainsi projetée, participe du même effort de tact que les centres fédéraux d’asile, du même zèle d’efficacité que les patrouilles libyennes sillonnant les mers.» A l’heure où ces lignes sont écrites, la lettre ouverte a été signée par 772 personnes. FB