EMS: Pâques par écrans interposés

Dans le Canton de Vaud, la moitié des décès liés au coronavirus ont lieu dans les EMS, touchés de plein fouet par la pandémie. Les résidents d’EMS doivent s’accommoder d’une réorganisation de leur quotidien, en plus d’un règlement qui interdit désormais aux familles de leur rendre visite. Nous nous sommes rendus dans l’EMS Le Marronnier à Lutry, à l’occasion de la visite de la Conseillère d’Etat Rebecca Ruiz le 6 avril dernier.

  • Peu avant les fêtes, la ministre vaudoise de la Santé Rebecca Ruiz s’est rendue à l’EMS Les Marroniers . Elle a été est frappée par la façon dont les soignants font face, avec solidarité, à la crise actuelle. MISSON

    Peu avant les fêtes, la ministre vaudoise de la Santé Rebecca Ruiz s’est rendue à l’EMS Les Marroniers . Elle a été est frappée par la façon dont les soignants font face, avec solidarité, à la crise actuelle. MISSON

«Cette situation génère beaucoup d’émotions et d’inquiétudes.»

Carol Gay, directrice de l’EMS Le Marronier

Un peu avant neuf heures dans l’EMS Le Marronnier, à Lutry, la vie s’active gentiment. En plus des collaborateurs déjà présents, des civilistes font leur apparition. Ils ont été dépêchés sur les lieux pour pallier l’absence de 20% du personnel de l’équipe. Parmi ces 20%, certains le sont pour cause d’infection au coronavirus, ou parce qu’ils sont vulnérables.

Liens familiaux repensés

Mais les absences qui se font peut-être le plus ressentir au sein de l’EMS sont certainement celles des familles, désormais interdites de visites. Les liens avec les proches ont donc dû être repensés. «Cette situation génère beaucoup d’émotions et d’inquiétudes, souffle Carol Gay. Selon leur situation de santé, certains ne comprennent pas bien ce qui se passe. C’est plus dur pour eux. Mais la situation est stabilisée à présent. Et nous recevons beaucoup de messages de reconnaissance des familles.» Ces familles, désormais, discutent avec leurs aînés en vidéo-conférence, grâce à l’aide des infirmières et parfois aussi des civilistes.

Réorganisation complète

Le matin de notre visite, la directrice de l’EMS Carol Gay attendait la visite de la conseillère d’Etat en charge de la santé et de l’action sociale (DSAS) Rebecca Ruiz. Cette rencontre arrivait alors que l’équipe soignante venait de vivre des jours intenses. Et pour cause: une semaine plus tôt, un premier résident avait été testé positif au Covid-19. Sept jours plus tard, il y en avait huit. Tous ont été confinés dans leur chambre. «Dès le premier cas, nous avons procédé à l’isolement de toute l’unité sud, dans laquelle se trouvaient les malades», indique la directrice. Les résidents non-infectés ont le droit de sortir de leur chambre mais doivent rester sur leur étage. «Nous les accompagnons pour des promenades au jardin, mais ils ne circulent pas librement: ainsi nous veillons à ce que les distances soient respectées.» Tous les repas leur sont amenés en chambre. Quant aux résidents de l’unité nord, ils continuent de vivre presque normalement, mais sont désormais privés de promenade au bord du lac. Cette restriction en affecte certains plus que d’autres.

Heureusement, le cadre de vie et la vue dont bénéficient les résidents du Marronnier, à Lutry, n’est pas à blâmer. Sur la terrasse ensoleillée, les yeux fermés, Eric se prélasse. Il semble à mille lieues de tout ce qui se joue autour de lui.

Un lourd tribut

Les EMS vaudois paient un lourd tribut à la crise. Juste avant les fêtes pascales, 116 décès étaient à déplorer en EMS et EPSM, parmi les cas de coronavirus confirmés ou probables. Afin d’éviter que ne se propage plus encore la maladie, le Département de la santé a décidé que les nouveaux arrivants en EMS dans le canton seront confinés durant 14 jours dans une chambre individuelle.

Les entrées en EMS de personnes porteuses du virus restent possibles, mais elles ne sont envisageables que dans les établissements qui comptent déjà d’autres malades, qui ne sont pas surchargés, et bien sûr «dans le respect strict» des règles sanitaires LC

« Les EMS jouent un rôle crucial»

Depuis trois semaines, la Conseillère d’Etat en charge de la santé Rebecca Ruiz, a tenu à rencontrer divers acteurs du domaine de la santé. Lundi 6 avril, elle visitait notamment l’EMS Le Marronnier à Lutry.

Lausanne Cités: Qu’est-ce qui vous a le plus frappée lors de vos visites?
Rebecca Ruiz:
Je suis impressionnée par la manière dont toutes les équipes font face à ces situations difficiles à gérer, dans la solidarité et l’abnégation. Au cours de ma visite à Lutry, j’ai pu voir comment un EMS s’organise concrètement pour prendre en charge de la meilleure manière des résidents touchés par le Covid, en protégeant ceux qui ne sont pas malades. Depuis le début de la crise, les EMS jouent un rôle crucial dans la chaîne sanitaire et des efforts importants leur sont demandés. Je leur en suis profondément reconnaissante.

Quelle est actuellement la situation des EMS vaudois face au Covid?
Environ la moitié des décès ont lieu en EMS. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que le canton de Vaud, grâce à sa politique de maintien à domicile, compte une population en EMS plus âgée que la moyenne suisse. Cela explique en partie pourquoi le nombre de décès y est particulièrement élevé: ceux qui s’y trouvent sont les plus vulnérables parmi les vulnérables.

Quelle aide leur est proposée?
Dès le début de l’épidémie, le DSAS a mis en place un dispositif de soutien aux EMS. Ils peuvent faire appel à des mesures de renfort au niveau régional, et à des équipes mobiles d’intervention. Au travers de groupes régionaux, ils peuvent aussi faire appel à du personnel soignant supplémentaire.