«Ma question n’est plus «est-ce que je vais l’attraper?», mais plutôt «quand vais-je l’attraper?»»
Cyrille, 52 ans
La nouvelle est tombée le 16 avril dernier: le Conseil fédéral annonçait sa stratégie de déconfinement progressif en trois étapes (27 avril, 11 mai et 8 juin). Parmi les travailleurs appelés à revenir bientôt sur leur lieu de travail, comment les personnes vulnérables le vivent-elles? Les témoignages sont variés, mais un fait prédomine: la crainte réelle du virus et ses conséquences, mais aussi celle de l’inconnu.
Un grosse dose d’angoisse
Depuis le 12 mars, la seule sortie d’Alina, 28 ans, tient dans la promenade de son chien, au cours de laquelle elle ne s’éloigne jamais beaucoup. Souffrant d’hypertension, elle a été récemment informée qu’elle devra retourner au bureau un jour par semaine dès le 11 mai. Elle pourra poursuivre le reste du travail depuis son domicile. De plus, son compagnon, qui s’est soumis aux mêmes restrictions qu’elle, devra bientôt reprendre les cours. «Quand j’y pense, cela m’angoisse beaucoup. J’ai un peu peur de développer une sorte de phobie sociale… »
Peur de mourir
Sandra-Valérie vit avec son mari enseignant, et ses deux jumelles de huit ans. Le 11 mai, toute la famille retournera à l’école. «J’ai surtout peur de l’inconnu. Mon mari et mes filles seront-ils suffisamment protégés en classe? Les informations manquent…» Asthmatique et souffrant d’hypertension, Sandra-Valérie a également vécu plusieurs accidents cérébraux. «Je cumule les facteurs des risques. Quand je sors, c’est toujours la peur au ventre.» Elle envisage déjà, si besoin, de faire chambre à part avec son mari et amènera ses filles à l’école en voiture pour éviter les transports publics. «Mais il est possible que je refuse de les y amener, si les garanties me semblent insuffisantes. » Elle évoque aussi la peur de mourir si elle était contaminée.
Sur la corde raide
Tout comme Cyrille, 52 ans, diabétique. A l’appui, il cite les statistiques de l’OFSP: parmi les personnes décédées du Covid-19 en Suisse, 27% souffraient de diabète. «Je n’ai pas peur, en soi, de recommencer, car il faudra bien reprendre un jour.» Le concernant, ses supérieurs lui ont déjà affirmé qu’il serait probablement le dernier à revenir sur son lieu de travail. «Mais nous continuerons à cohabiter avec le virus, Ma question n’est plus “est-ce que je vais l’attraper?” mais plutôt “quand l’attraperai-je?”» S’il «y passe», comme il dit, ce sont les conséquences qui l’inquiètent: comme celle «de laisser ma femme et mes filles ». Si les employés à risques sont, en théorie, protégés par les directives du Conseil gédéral (lire encadré), la situation des indépendants est tout autre. Pour eux, même vulnérables, impensable de ne pas rouvrir leur commerce.
Masques à la rescousse
Le tatoueur Lausannois Tom Lang, 66 ans, en fait partie, lui qui a rouvert son salon lundi. «Les plus de 65 ans devraient rester à la maison, mais je suis obligé de retourner travailler, car je ne peux plus rester sans revenu. Cette situation est vraiment angoissante!» Au moment où nous écrivions ces lignes, il cherchait désespérément des masques. «C’est sûr: les clients et moi-même porterons un masque, et j’ai réussi à trouver du gel désinfectant. Les gants, j’en porte de toute manière.»