Dans le canton de Vaud, l’école à domicile connaît un succès croissant

TENDANCE • Depuis la dernière rentrée scolaire, des centaines d’élèves vaudois n’ont toujours pas repris le chemin de l’école.  Ils suivent, en effet, un enseignement à domicile, une tendance renforcée par le Covid. Ce choix de vie, certes épanouissant, exige aussi du temps et des sacrifices financiers.

Lors de la dernière rentrée scolaire, certains élèves n’ont pas eu besoin d’apprivoiser leurs nouveaux camarades et professeurs. Pour cause: leurs parents ont choisi de les déscolariser pour leur faire «l’école à la maison» ou plutôt l’instruction en famille (IEF). Pour l’année 2021-2022, 759 jeunes étaient concernés sur sol vaudois d’après la Direction générale de l’enseignement obligatoire.

A titre de comparaison, ils étaient 328 en 2016, soit deux fois plus qu’en 2013 et quatre fois plus qu’en 2009! Faut-il voir dans cette augmentation constante une défiance vis-à-vis du système traditionnel? «Pas forcément. Il s’agit souvent d’une envie de certains parents d’offrir un enseignement sur mesure à leur enfant et de grandir avec eux sur ce chemin», répond Jeanne Rektorik, coprésidente de l’association Instruire en Liberté-Vaud.

Le plus souvent, les parents agissent par conviction. Ils jugent parfois l’enseignement public trop formaté ou ne stimulant pas au mieux la curiosité naturelle de leurs enfants. Parmi ceux-là, on trouve aussi des personnes estimant que les nouvelles idéologies dominantes déteignent toujours davantage sur les enseignements et érodent  l’esprit critique et le sens des valeurs.

D’autres sont méfiants quant à la numérisation galopante du système scolaire, à l’heure où les effets dévastateurs des écrans sur les jeunes cerveaux sont étayés par de nombreuses études scientifiques réalisées aux quatre coins du globe.

Il arrive souvent aussi que des familles optent pour l’école à la maison à cause de problèmes de santé de leur enfant ou car ce dernier subit , par exemple, des violences répétées à l’école.

Ancrés dans le concret

«Les divers semi-confinements lors de la pandémie de Covid ont permis à ces familles de véritablement tester l’enseignement à la maison. Et, constatant que leur enfant allait mieux, elles ont décidé de sauter le pas», explique Jeanne Rektorik, dont la fille de sept ans n’a encore jamais été scolarisée. «Très tôt, elle s’intéressait aux lettres. On a souhaité accompagner cette précocité sans la freiner et on a constaté que cela nous plaisait. Les enseignements sont ancrés dans le concret et on passe beaucoup de temps ensemble», explique la Lausannoise qui travaille à mi-temps, tout comme sa partenaire enseignante de profession et avec qui elle se partage l’instruction en famille.

Les critiques assènent souvent que homeschooling rime avec désocialisation. Cela agace les concernés car en pratique, l’école à la maison se fait bien souvent à l’extérieur et en compagnie d’autres familles avec lesquelles sont organisées des activités pédagogiques.

Plus de temps

«L’enseignement personnalisé en petits groupes d’âges parfois différents laisse aussi plus de temps pour les copains et les activités extra-scolaires. Au final, les enfants apprennent plus en moins de temps. Leur compétences sociales, leur développement psycho-affectif et leur capacité à s’entraider sont étonnants», se réjouit Charlotte Daouk. La Lausannoise et son mari travaillent à temps partiel et font l’école à la maison depuis deux ans à leur fils de huit ans et à leur fille de quatre.

Ils s’y sont mis voici deux ans faute de place en crèche pour leur dernière et ont poursuivi lors de la crise du Covid. «Le rythme de la famille est devenu plus calme depuis. On a davantage de souplesse et moins de pression des horaires. C’est épanouissant!»

Choix de vie

Certaines familles n’hésitent pas à s’installer sur Vaud pour déscolariser leurs enfants. C’est ce qu’ont fait voici sept ans Murielle Favre Perret et son mari en quittant Charmey (FR) pour Payerne.

Leur fils, désormais âgé de douze ans, était ressorti abîmé d’un an d’école publique. «A quatre ans, il enchaînait les crises, ses rythmes d’apprentissage et besoins n’étaient pas vraiment respectés. Aujourd’hui, il va bien et on continue sur ce chemin avec sérénité», explique la quadragénaire qui est coordinatrice romande des «travailleurs de la pensée», association spécialisée dans l’IEF.

«L’IEF est un choix de vie qui est de mieux en mieux compris mais ne convient pas forcément à tous. Il faut être curieux, énergique, mais aussi souvent prêt à renoncer à un deuxième salaire», prévient Jeanne Rektorik. La spécialiste ne pense dès lors pas que le boom se prolonge indéfiniment. Elle estime qu’en Suisse, environ 2,5% des familles au maximum en arriveront peut-être à déscolariser un jour leur enfant. n

Les parents vaudois déscolarisent facilement

Seize cantons suisses sur 26 permettent l’école à la maison. Vaud fait figure de paradis du homeschooling. C’est le canton romand où cette manière d’instruire est la plus facile à mettre en place du point de vue administratif. Avant chaque année scolaire ou même en cours d’année, les parents concernés n’ont qu’à informer par courrier le directeur de l’établissement où devrait aller leur enfant qu’il sera scolarisé à la maison. Celui-ci en informe ensuite la Direction pédagogique. Et une fois l’an au moins, un inspecteur de l’Etat viendra contrôler les connaissances de l’enfant concerné dans les branches principales. L’instruction dispensée doit respecter le plan d’études romand. Les enfants sont soumis aux mêmes examens que les autres élèves et des échecs répétés peuvent conduire à leur retour à l’école.