Conseil des Etats: 3 sièges pour 2 candidats

Le suspense est de mise ce dimanche 10 novembre dans le canton de Vaud pour le second tour du Conseil aux Etats.
Arrivé en tête le 20 octobre dernier, le ticket rose-vert Ada Marra - Adèle Thorens tentera de résister au retour du PLR Olivier Français.
Quelle politique et quels dossiers entendent-ils défendre à Berne en cas de (ré)élection? Le point avec chacun d'entre eux.

De gauche à droite: Olivier Français, Adèle Thorens et Ada Marra.

Adèle Thorens-Goumaz, les Verts

Pouvez-vous donner l’assurance aux Vaudois-es qu’une fois élue vous vous battrez pour trouver des solutions au défi environnemental sans passer par de nouvelles taxes ?

Les taxes sont un instrument parmi d’autres, qui peut aussi être social. Pour cela, il faut que leurs recettes soient redistribuées à la population, directement ou sous forme de subventions qui rendent les alternatives écologiques financièrement accessibles. C’est le cas depuis 2012 pour la taxe CO2 sur le mazout, qui est rétrocédée à la population via une ristourne annuelle sur la facture d’assurance maladie et qui permet de subventionner l’assainissement énergétique des bâtiments. C’est un système de bonus-malus plutôt qu’une taxe. Le rôle des collectivités publiques est de rendre les solutions écologiques plus accessibles pour les consommateurs.

... Ou en imposant de nouvelles contraintes?

Si les contraintes visent les producteurs et consistent, par exemple, à mettre sur le marché des nouvelles voitures plus écologiques, c’est un plus pour la population. De même si elles consistent à rendre les transports publics plus performants et abordables. En Suisse, on a aussi interdit de nombreuses substances ou produits toxiques pour l’environnement et la santé. C’est important pour la qualité de vie, mais aussi en termes de santé publique.

Au-delà de la problématique environnementale, quels sont les deux dossiers importants pour lesquels souhaiteriez-vous vous engager lors de la prochaine législature?

Le congé parental et le mariage pour tous. Je m’engage pour l’égalité entre les hommes et les femmes, mais aussi pour une société progressiste, respectueuse et ouverte.

Si Ada Marra est également élue, en quoi l’élection à Berne de deux femmes très proches politiquement serait-elle un avantage pour le Canton?

Nous nous engagerions avec cohérence pour répondre aux aspirations exprimées par les Vaudois-e-s dans nos rues: pour plus de protection de l’environnement et d’égalité. Si les vagues vertes et violettes n’atteignent pas le Conseil des Etats, ce dernier risque de bloquer les progrès décidés par le Conseil national. Propos recueillis par Philippe Kottelat

OIivier Français, PLR

L’ensemble des forces du centre et de la droite appellent à voter pour vous. Avec toutefois quelques réticences du côté de l’UDC. Un risque de voir des voix s’éparpiller?

Aujourd’hui l’UDC, le PDC et les Verts Libéraux me soutiennent formellement par décision de leur assemblée générale du 21 octobre 2019. Il s’agit d’une recommandation à leurs électeurs, mais c’est à moi de les convaincre que je partage avec eux de nombreuses valeurs.

Quel est, selon vous, votre meilleur atout?

Mon bilan est sans doute l’un de mes meilleurs atouts, mais ma ligne politique l’est tout autant. Ma volonté est d’apporter des solutions aux problèmes et ne pas être le problème aux solutions. Celles-ci peuvent se trouver par le compromis, une tradition que l’on apprécie au Conseil des Etats.

Quels sont à vos yeux les trois dossiers les plus importants de la prochaine législature?

L’emploi sur le long terme est l’une de mes priorités, en s’assurant une économie diversifiée, tournée sur le monde et novatrice. Le financement de la formation et de la recherche doit être assuré pour atteindre cet objectif, tout comme l’on doit stabiliser le financement de nos assurances sociales. En effet, la société évolue et le monde du travail également, il faut donc apporter des solutions en matière de prévoyance.

En quoi l’élection à Berne de deux femmes très proches politiquement est-il un risque pour le Canton?

La parité politique et des genres est pour moi légitime et correspond à une réalité sociale et politique. La voix des 57% des votants que je représente doit également être défendue à la chambre des cantons.

Elu, allez-vous céder à la «tentation verte» qui a saisi tous les partis. Si oui, comment?

Notre société veut du concret et attend des projets qui réduiront au plus vite l’impact des nuisances à l’environnement. Cela nécessitera au niveau législatif de faire évoluer rapidement la loi sur l’aménagement du territoire pour permettre par exemple en zone agricole, l’implantation de site de production électrique photovoltaïque, hydraulique voir de développer les sites de valorisation du biogaz.

Ada Marra, PS

On a beaucoup évoqué ces derniers temps de nouvelles taxes pour favoriser la transition écologique. Comment vous, militante socialiste, entendez-vous concilier cette transition avec la notion d’égalité sociale?

Si celles-ci sont redistribuées par différents moyens aux habitant-e-s de notre canton alors elles sont sociales. La loi sur le CO2 prévoit un fond pour ces taxes dont une partie sera redistribuée aux gens et l’autre dans des mesures climatiques.

Estimez-vous plus généralement qu’il faudra passer par une politique de contraintes pour faire avancer le sujet?

La politique de transition énergétique et écologique ne se fait de loin pas que par les taxes et contraintes. Mais aussi par des investissements publics dans cette transition, par exemple en développant les transports publics ou en améliorant l’isolation des bâtiments. En œuvrant pour le climat, on doit aussi améliorer la qualité de vie de la population et créer des emplois grâce à la transition énergétique.

Au-delà de la problématique environnementale, quels sont les deux dossiers importants pour lesquels vous souhaiteriez vous engager fortement lors de la prochaine législature?

La redistribution des richesses. La Confédération a fait 36 mia d’excédents de recettes en 15 ans. La BNS a 800 mia à son bilan. Les assureurs 1 milliard. Or les salaires réels ont baissé de 0,6% les deux dernières années. Cet argent il faut le redistribuer. Dans nos retraites par une 13ème rente AVS par exemple car le dossier des retraites est une urgence absolue également. Il faut également soutenir les ménages en faisant en sorte qu’ils ne paient pas plus de 10% de leur revenu en primes d’assurance maladie. Là aussi il faut un soutien financier public. Nous en avons les moyens.

En quoi l’élection à Berne de deux femmes très proches politiquement serait-elle un avantage pour le Canton?

Nous nous complétons. Ecologie et sociale. L’un.e ne va pas sans l’autre pour les grands enjeux des prochaines années. Le canton de Vaud a été pionnier en accordant le droit de vote aux femmes en 1959. Il le serait encore en envoyant deux femmes le représenter aux Etats.

L'analyse du politologue René Knüsel: "L'enjeu, la capacité de mobilisation des partis!"

Le second tour pour l’élection au Conseil des Etats dans le canton de Vaud oppose 3 candidats sur 2 listes. La configuration semble claire. Les états-majors des partis ont arrêté leur stratégie. Pour l’électeur, en revanche, le dilemme n’est pas simple à résoudre. Plusieurs lectures sont en effet possibles.

Le citoyen peut penser gauche-droite. Il choisit soit le PLR Olivier Français, soit la liste rose-verte. L’électeur bourgeois doit se veiller à ne pas maximiser ses votes, ce choix fragilisant le PLR, puisque les candidats élus seront ceux qui auront enregistré le plus de voix. Cette manière de voter sera imitée par le citoyen qui souhaite une représentation équitable des forces politiques prévalant dans le canton.

Ce même électeur peut souhaiter une délégation cohérente pour défendre au mieux les intérêts du canton, pour éviter que les voix vaudoises ne s’annulent à Berne. Ce discours était celui, des décennies durant, de la défunte entente vaudoise, pour justifier la réélection de deux sénateurs bourgeois. Appliquer cette tactique, revient à choisir la liste rose-verte. D’autres raisonnements existent encore. Ainsi, soutenir une option féministe visant à assurer une meilleure parité au Conseil des Etats à Berne. Elle entraîne ipso facto le choix de la liste rose-verte.

Enfin, l’électeur peut vouloir ne retenir que des personnalités fortes en mesure d’être entendues à Berne. Dans une telle perspective, il faut admettre que les 3 candidats en lice incarnent à des titres divers un tel profil.

Le choix du PLR de ne présenter qu’un nom est téméraire puisqu’il risque de s’aliéner les voix de l’UDC. Mais il est rationnel puisqu’il rend l’UDC captive, sans affirmer une alliance qui répugne une partie de son électorat.

Pour les verts-rouges, tout autre choix que le vote compact tendra à favoriser le 3ème candidat. Les jeux sont dès lors ouverts et le résultat dépendra avant tout de la capacité de mobilisation des partis.