«Après 5 ans d’activité, 20% des enseignants quittent le métier.»
Gregory Durand, président de la Société pédagogique vaudoise
Ils sont 500 à 600, soit 7% de l’ensemble du corps enseignant du canton! Plusieurs centaines donc et qui permettent à l’école vaudoise de tourner! En cette période de rentrée scolaire, il convient de s’interroger. Pourquoi est-il donc nécessaire depuis des années de faire appel à eux, qui ne sont pas titrés d’une école pédagogique, pour assurer la continuité des enseignements?
«La situation dans le canton est tendue, admet Julien Schekter, délégué à la communication du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture (DFJC). Mais ce n’est pas la panique, car le chiffre de 7% n’est pas très représentatif, puisque plusieurs de ces remplaçants n’interviennent que très peu de temps, une demi ou une journée seulement, tandis que d’autres sont même en cours de formation à la HEP! Il n’y a donc qu’une petite minorité de collaborateurs sans titres, qui d’ailleurs ont été sélectionnés avec soin par le directeur d’établissement en vertu de compétences particulières et qui sont suivis et soutenus, notamment par le conseil de direction de l’établissement et les chefs de file des disciplines».
Pas de panique donc, mais une «situation chroniquement problématique», pour reprendre l’expression de Gilles Pierrehumbert, le président de la Société Vaudoise des Maîtres Secondaires qui confirme: «en effet, actuellement le système n’est pas capable de former le nombre nécessaire de personnes qualifiées pour occuper tous les postes disponibles».
Le premier élément explicatif est évidemment la démographie. «Avec 1000 élèves de plus par année depuis 8 ans, soit l’équivalent d’un établissement supplémentaire chaque année, la démographie est en effet un vrai défi pour la formation, ajoute Julien Schekter, du DFJC. Mais il faut noter qu’à l’heure actuelle nous avons pas moins de 1300 inscrits à la Haute Ecole Pédagogique».
Métier peu attractif
La démographie donc, mais pas seulement. Il semble aussi que la profession, en dépit de ces 1300 inscrits, soit devenu peu attractive. «Selon l’OFS, après 5 ans d’activité, 20% des enseignants quittent le métier. Nous n’avons pas suffisamment d’éléments précis pour le savoir, mais la pénibilité est sans aucun doute un facteur important», constate Gregory Durand, le président de la société pédagogique vaudoise (SPV).
«C’est vrai renchérit Gilles Pierrehumbert de la SVMS, le niveau de pénibilité n’est pas suffisamment anticipé par ceux qui vont l’exercer. Et si on y ajoute les bas salaires pour le primaire, on comprend mieux l’absence d’attractivité de ce métier, ce qui contribue beaucoup à expliquer les trous chroniques dans les effectifs».
Afin de pallier à la pénurie, le canton mise donc sur la formation et se donne la possibilité d’avoir recours, sur une base volontaire, à des retraités, qui ont le grand avantage de disposer des titres pédagogiques nécessaires. Une démarche insuffisante pour les syndicats: «Ce qu’il faut c’est améliorer l’attractivité du métier. D’abord en formant mieux les enseignants et en les soutenant le plus tôt possible, avertit Gilles Pierrehumbert. Aujourd’hui, en particulier dans le primaire, les gens sont laissés livrés à eux-mêmes avec un soutien insuffisant de la hiérarchie, d’où le trop grand nombre de départs anticipés».
«De nombreuses personnes qui travaillent à temps partiel aimeraient également augmenter leur temps de travail de manière pérenne, ajoute Gregory Durand de la SPV. Or, elles ont beaucoup de difficultés à le faire pour des raisons administratives».
Reconversions difficiles
Reste enfin une autre piste: permettre à d’actuels enseignants remplaçants, qui au passage disposent déjà d’une expérience professionnelle, de se former pour asseoir définitivement leur reconversion professionnelle sur la base de diplômes pédagogiques reconnus. Sauf que la démarche pour intéressante qu’elle soit, n’est pas gagnée. Car même si la Haute Ecole pédagogique permet une validation des acquis de l’expérience, elle implique pour des candidats potentiels, souvent déjà dans la quarantaine et avec une famille à charge, de reprendre des études durant plusieurs années, à temps complet ou partiel, avec le sacrifice de temps et de revenus que cela implique.
«Dans le passé, c’était bien plus facile et la formation était même payée, observe Gilles Pierrehumbert, le président de la SMVS. Aujourd’hui, depuis la Bolognisation du système, il devient très difficile voire même parfois impossible de se former en cours d’emploi».
«Pour améliorer durablement la situation de pénurie, nous ne sommes pas favorables à une politique par petites touches, conclut Gregory Durand. Ce qui est important, c’est de mener une réflexion globale sur la situation. Et pour cela, il nous faut d’abord disposer de chiffres précis et détaillés sur l’état de l’ensemble de la profession. Or cela fait des années qu’on les demande au Département».