«On ne va quand même pas reprocher aux jeunes de vouloir faire la fête!»
Jens Mehmet, patron du Bar Tabac
Vitesse limitée à 20 km/h, petits modules en bois pour se prélasser, terrasses des restaurants élargies, la zone de rencontre Midi-Beau-Séjour a tout pour plaire. Sur le papier, en tout cas. Car dans les faits, elle fait pester plusieurs riverains. Ils en sont convaincus, les nouveaux aménagements visent un objectif louable, mais ratent leur cible. Un exemple souvent cité est celui des blocs de béton destinés à limiter la vitesse des véhicules. «Ils ont été installés au beau milieu de la chaussée, précise Jacqueline*, une retraitée qui souhaite rester anonyme. Du coup, les camions de livraisons doivent manœuvrer durant de longues minutes pour se faufiler, ce qui provoque davantage de bruit et de pollution car leur moteur tourne pendant ce temps! C’est aussi valable pour les voitures qui ne peuvent plus se croiser, elles freinent puis redémarrent, c’est insupportable!»
Nuits troublées
Diana Olarte habite également à la rue Beau-Séjour. Quand on lui demande son avis sur les nouveaux aménagements de la zone de rencontre, sa réponse ne tarde pas: «Sincèrement, c’était mieux avant. Je suis obligée de dormir avec des boules Quies car, la nuit, le bruit à l’extérieur est vraiment pénible. Cela est dû au module en bois en face du Bar Tabac, les gens s’y installent un verre à la main et discutent fort. Ils pensent que cette installation est un prolongement de la terrasse du bar. Ce qu’ils ignorent, c’est que leurs rires et leurs cris me réveillent plusieurs fois par nuit. C’est un vrai problème car je travaille à l’hôpital avec des horaires irréguliers, j’ai vraiment besoin d’un sommeil récupérateur.» Patron du Bar Tabac, Jens Mehmet ne comprend pas ces reproches: «Cela fait des mois que la rue était silencieuse à cause des divers confinements, on ne va quand même pas reprocher aux gens et surtout aux jeunes de vouloir faire la fête! J’aimerais dire à ces riverains mécontents que la vie commence par un bruit, à la naissance, et se termine en silence. Les aménagements en bois de la Ville sont excellents, les gens les apprécient vraiment.»
Autogoal écologique
Autre incongruité relevée par certains riverains, la suppression de plusieurs places de parc entraîne davantage de trafic dans la rue: «Ces installations en bois bouffent deux places de parc, fulmine une voisine de Jacqueline. Les automobilistes sont obligés de tourner des dizaines de fois dans le quartier avant qu’une place de parc ne se libère. Cela ressemble drôlement à un autogoal écologique pour ceux qui cherchent à développer la mobilité douce en ville en limitant le trafic et la pollution.» Un avis partagé par André Blanc. Il n’habite pas le quartier, mais il a été de ceux qui ont participé à la récolte des 4250 signatures contre la suppression des places de stationnement en ville: «Quand l’Opéra tournera à plein régime et que les spectateurs afflueront, ce sera tout simplement l’enfer pour les habitants du quartier. Il faut juste rappeler qu’ils ont payé un macaron qui ne leur sert à plus grand-chose, ce n’est pas correct!»
Enquête cet automne
Entendus par la Municipalité à de multiples reprises, les riverains mécontents se sentent tout de même ignorés. Pour Patrick Etournaud, chef du service des routes et de la mobilité, ces avis divergents restent minoritaires: «Le premier monitoring d’usage mené à l’automne passé s’avère globalement très positif. Les vitesses ont diminué, le nouveau mobilier est utilisé notamment le midi par les travailleurs et étudiants du quartier, les usagers apprécient le caractère convivial des équipements, et beaucoup de personnes ont redécouvert ce quartier, à deux pas de la gare et du centre-ville, mais un peu oublié. Une seconde enquête (observation des usages et questionnaire en ligne) aura lieu en septembre afin d’évaluer la période test, dans des conditions hors Covid, nous l’espérons, et de formuler des propositions d’améliorations. Le changement peut être source de difficultés. C’est pour cette raison que nous faisons des périodes tests et prenons en compte les remarques permettant d’améliorer les projets.» Jacqueline reste perplexe: «Ils nous concertent pour la forme, mais, dans les faits, ils changent notre ville à leur manière. Cela m’attriste profondément.»
*prénom fictif, identité connue de la rédaction