Auto-Index: les craintes se confirment, de graves dérives ont déjà eu lieu

CIRCULATION • Lancé le 4 avril dernier, l’annuaire vaudois Auto-Index permet de retrouver le propriétaire d’un véhicule en quelques clics. Un mois après sa mise en ligne, les premiers abus se multiplient: une jeune Lausannoise a été harcelée et un père de famille en est venu aux mains avec un motard.

Gaëtan*, père de famille lausannois

Jennifer* se souviendra longtemps de cette virée à Renens avec ses deux meilleures copines. Nous sommes au milieu du mois d’avril et la joyeuse équipée décide de fêter comme il se doit l’anniversaire de l’une des jeunes femmes. Après avoir pris du bon temps au bord du lac, elles prolongent leur soirée dans un restaurant asiatique. L’addition réglée, elles regagnent le parking de l’établissement. C’est à ce moment-là que les choses se gâtent: «Quand nous sommes montées dans ma voiture, j’ai remarqué un type qui nous fixait. Sur le moment, je n’y ai pas spécialement prêté attention. Ce n’est que deux semaines plus tard, quand il a débarqué chez moi, que je me suis souvenu de sa présence ce soir-là.» Au dire de la Lausannoise de 25 ans, l’homme s’est servi de l’annuaire Auto-Index pour retrouver l’adresse de son domicile. «Il me l’a confié quand je lui ai demandé comment il a su où j’habitais. Heureusement, je ne lui ai pas ouvert la porte. Il est revenu trois jours après en me disant qu’il avait flashé sur moi. Je lui ai dit que s’il continuait, j’allais contacter la police, ce qui semble l’avoir calmé. Je m’en veux car j’aurais dû bloquer l’accès à mes données personnelles, ce que j’ai évidemment fait depuis cette histoire qui m’a vraiment fait peur. Je trouve quand même dingue de proposer ce genre de services en sachant pertinemment que des fous se baladent dans la nature!»

Conflit au giratoire

La mise en ligne de l’annuaire Auto-Index semble également ravir les automobilistes susceptibles. C’est l’amère expérience vécue par Gaëtan*, un tranquille quinquagénaire habitant le quartier de Beaulieu. «Comme tous les jours, j’ai pris ma voiture pour me rendre à mon travail à Morges. Arrivé à un giratoire, je me suis engagé car la voie était libre. Après quelques secondes, une puissante moto de marque japonaise me collait au parechoc en me faisant les phares de manière effrénée. J’ai pu m’en défaire grâce à un feu rouge et je pensais que cette histoire allait s’arrêter là.» La suite fait froid dans le dos: «Le lendemain matin, quand je suis arrivé vers mon véhicule, un homme baraqué m’attendait. Il m’a directement insulté et m’a dit que je lui avais grillé la priorité dans ce giratoire. Je lui ai calmement demandé comment il a pu obtenir mon adresse, c’est là que j’ai appris l’existence de l’annuaire Auto-Index.» Après les mots, les coups pleuvent et il faut l’intervention d’un voisin pour que la bagarre prenne fin. «Je m’en sors avec un œil au beurre noir, une chemise déchirée et une belle frayeur, cela aurait pu être bien pire. Franchement, j’ai eu la peur de ma vie.»

Le SAN rassure

Ces deux situations, celle de Jennifer* et de Gaëtan*, confirment les craintes liées à l’introduction d’Auto-Index. Même si Pascal Chatagny, chef du Service des Automobiles et de la navigation (SAN), se veut rassurant: «Depuis la mise en ligne de l’Auto-Index au début du mois d’avril dernier, aucun problème tels que ceux que vous évoquez ou de tout autre nature n’a été signalé au Service des automobiles et de la navigation. Les données relatives aux détentrices et détenteurs de véhicule relèvent du Registre public, elles sont donc accessibles. Obtenir ces données est possible sur demande depuis de très nombreuses années.» Oui, mais avant, la démarche pour savoir qui se cachait derrière un numéro de plaque était fastidieuse et non-anonyme: il fallait remplir un formulaire, l’envoyer au SAN et s’acquitter de la somme de 20 francs. Une différence notoire comme le souligne Jennifer*: «Le fait de devoir donner son nom est forcément rédhibitoire pour des personnes qui auraient de mauvaises intentions. Alors que maintenant, il suffit de se connecter au site, c’est open-bar!» Et Gaëtan* de conclure: «Je pense que ma mésaventure ne restera pas un cas isolé, d’autres affaires similaires vont avoir lieu ces prochains mois. Pour les éviter, j’espère que le Canton de Vaud aura la sagesse de revenir sur sa décision de divulguer ces informations en ligne.» Pascal Chatagny n’en démord pas: «Une communication individuelle a été assurée par le SAN en amont de l’introduction du système Auto-Index à tous les détenteurs de plaques d’immatriculation du canton. Cette communication rappelait que chacun est en droit de faire bloquer l’accès à ses données personnelles, ceci par un simple formulaire à remplir et à signer disponible sur le site internet de l’Etat. Ce blocage est et restera possible pour toute personne qui le souhaite ou le souhaitera.»

*prénoms fictifs, identités connues de la rédaction

Mode d’emploi pour bloquer ses données

Pour s’opposer à la publication de votre nom, prénom et adresse, lorsqu’un internaute saisit votre numéro de plaque, la démarche est très simple. Il suffit de vous rendre sur le site d’Auto-Index (www.vd.ch) et de remplir le formulaire baptisé «Demande de non-publication des données dans l’Auto-Index». Ce dernier doit être renvoyé au SAN par mail ou courrier postal. Les données peuvent toutefois être communiquées dans des cas particuliers, sur demande écrite et motivée. Notamment lors d’une demande d’une autorité compétente dans une procédure pénale ou administrative ou s’il existe un intérêt suffisant en vue d’une procédure susceptible de concerner un véhicule, par exemple en cas d’accident.