«Jusqu’en 2018, j’achetais le malt – de l’orge fermenté et torréfié – en Allemagne, car personne en Suisse ne pouvait m’en fournir. L’an passé, j’ai demandé à un agriculteur de Féchy de semer un demi-hectare d’orge brassicole. Après sa récolte, en juin, je l’ai fait malter à Bavois. Le whisky distillé en 2019 sera donc du 100% Féchy», explique Alain Bettems.
Toutefois, avant de goûter cette eau-de-vie exclusivement vaudoise, il faudra patienter un peu, car l’Allan’s Gold vieillit sept ans en fût de chêne avant d’être commercialisé. Cette longue période d’élevage - la législation exige un séjour de trois ans minimum en fûts de moins de 700 litres – confère sa belle couleur ambrée et sa complexité au «Single Cask» du vigneron fezzolan. «Couleur, intensité, puissance, équilibre: tous les curseurs sont au maximum»: voici le commentaire des jurés du Swiss Spirits Awards qui ont dégusté, en février 2019, le whisky d’Alain Bettems. Cet enthousiasme a permis à l’Allan’s Gold de remporter la meilleure note (sur plus de 200 participants), et le prix de «Meilleur spiritueux de l’année» de ce concours national.
Du whisky du caviste à l’Allan’s Gold
«L’aventure a commencé en 2005, sourit Alain Bettems. Je faisais visiter ma cave à un maître-brasseur de la maison Boxer. Comme je lui expliquais que j’étais le président d’une société de distillerie de Féchy, il m’a demandé pourquoi je ne faisais pas de whisky.» Pour comprendre le contexte de la discussion, il faut savoir que notre «whisky master» est avant tout un vigneron emblématique de Féchy, né dans une famille présente depuis un-demi millénaire au cœur de La Côte.
Aux 22 hectares que l’entreprise travaille elle-même, il faut ajouter des achats de raisin qui permettent à la Cave de la Crausaz (et à la Cave du Vieux-Coteau reprise il y a quelques années) de commercialiser - essentiellement auprès de clients privés – 350’000 bouteilles par année. Une conséquente quantité qui rime avec qualité comme le prouve, entre autres distinctions, les Lauriers de Platine 2016, distinction remportée par le Chasselas du domaine.
«A l’époque je réfléchissais à un produit qui permettrait d’attirer à la cave une clientèle pas forcément amatrice de vin, poursuit le producteur de Féchy. J’ai donc fait un essai en laissant fermenter un tonneau de moût de bière avant de le distiller. Comme il me restait une quarantaine de bouteilles, une fois les cadeaux de Noël terminés, je les ai déposées sur le comptoir où les clients viennent chercher leur facture. C’était le 5 décembre. Le 20, tous les flacons étiquetés Le whisky du caviste étaient vendus. Je me suis dit qu’il y avait un potentiel.»
Classique ou tourbé
«Avec les années, j’ai passé du statut de bricoleur à celui de producteur», poursuit celui qui laisse vieillir quelque 2500 litres de whisky dans les caves à fromages des anciennes laiteries de Féchy. «L’Allan’s Gold vieillit pendant sept ans dans des petits tonneaux en chêne de 113 litres. Depuis 2017, je produis aussi une version fumée, appelée Allan’s Gold Tourbé», confie Alain Bettems qui n’entend pas s’arrêter là.
«En 2019, nous avons semé un hectare d’orge, afin de pouvoir doubler la production. L’idée serait de mettre de côté quelques tonneaux afin de mettre sur le marché un whisky vieilli plus longtemps que les sept ans actuels. Bien entendu, cela a un coût puisque la perte due à l’évaporation (qu’on appelle la part des anges) tourne autour des 2% par année. Néanmoins, le marché semble demandeur. Cette année, suite aux articles qui ont suivi le prix remporté aux Swiss Spirits Award, il a même fallu limiter la vente à cinq bouteille (de 35 centilitres) par personne.»
Alexandre Truffer