Roman: L’attaque de l’Intercity Zurich-Lausanne resurgit des brumes

En décembre 1996, l’intercity Zurich-Lausanne est attaqué par des malfrats au niveau du village de Riex. Inspiré de ces faits, un livre, signé Yves Paudex, revient sur cette incroyable affaire. Il y a 25 ans, il était l’un des policiers chargé de l’élucider. Sans jamais y être arrivé. Témoignage.

  • Yves Paudex revient, par le biais d’un roman, sur une incroyable affaire jamais résolue.

    Yves Paudex revient, par le biais d’un roman, sur une incroyable affaire jamais résolue.

C’était le 11 décembre 1996. Aux environs de 23h30, entre Puidoux et Grandvaux. Deux individus armés, cagoulés et vêtus de noir, font irruption dans la cabine de commande de la locomotive de l’Intercity 744 Zurich-Lausanne. Ils neutralisent le mécanicien et lui intime l’ordre d’arrêter le train sur un petit pont sur les hauteurs du village de Riex. L’homme est menotté ainsi qu’un employé postal présent dans le train, puis les malfrats s’enfuient, attendus par des comparses dans des voitures. Ils disparaissent avec le contenu de 26 sacs postaux remplis de billets de banque. Les enquêteurs n’ont jamais donné le chiffre du butin. 25 ans plus tard, les gangsters courent toujours.

Lausanne Cités: Avec votre roman, vous revenez sur cette affaire jamais élucidée. Ce livre pour vous, c’est donc un peu un livre-thérapie?
Yves Paudex:
Tout enquêteur digne de ce nom juge insupportable l’idée de laisser une affaire irrésolue. Parfois, la chance choisit notre camp. Dans ce cas-là, elle n’a pas été au rendez-vous. L’essentiel est de pouvoir se dire que nous avons fait tout ce que l’on pouvait avec ce que l’on avait. Et puis, l’actualité reprend vite le dessus. Quant au livre-thérapie, j’y vois plutôt un exercice plaisant où l’on remplace les zones d’ombre par l’imaginaire. C’est réconfortant d’utiliser de l’encre pour faire jaillir la lumière.

On participe à l’enquête en suivant le travail de deux inspecteurs. Meurtres, suicides et violence jalonnent leur quête de vérité. Ce qui n’a pas été le cas dans la réalité...
C’est exact. Ce coup a été exécuté plus rapidement que celui du fameux train Glasgow-Londres en 1963, où il y avait d’ailleurs eu un blessé. Le fameux Ronald Biggs, auteur du célèbre coup et en cavale au Brésil, avait d’ailleurs écrit en 1996 une carte postale au Blick où il était inscrit:«Bien joué les jeunes!» En revanche, nous ignorons s’il y a eu de la violence entre les braqueurs après l’attaque de l’Intercity, vu la frustration sans doute ressentie à la vue du maigre butin emporté.

On ne va pas tout dévoiler de la trame de l’histoire, mais la piste suivie par les enquêteurs nous emmène dans la banlieue lyonnaise, connue pour héberger nombre d’individus fichés au grand banditisme. C’est une piste qui a été suivie à l’époque?
Non. Nous n’avions pas assez d’éléments pour aller en ce sens. Seuls les phares de trois véhicules avaient été aperçus quittant les lieux. Contrairement au roman, les auteurs n’avaient pas l’accent des banlieues d’Outre-Jura. Pour suivre une piste, il faut avoir des indices. Ce qui n’était pas le cas.

Dans votre roman, vous parlez d’une somme volée bien inférieure à ce qui avait été avancé, 25 millions. Réalité ou, là encore, fiction?
C’est la réalité. Le gang qui a réalisé ce coup de maître espérait sans doute en retirer cinquante fois plus! Une année auparavant l’Intercity transportait plus de 20 millions de francs suisses. Ce faible montant fut aussi paradoxalement un handicap pour les enquêteurs. Il excluait toute traçabilité.

Votre roman a une fin, avec un homme qui finit en prison. Comment expliquer que personne, dans la réalité, n’a jamais pu être arrêté. En d’autres termes que l’enquê ait failli à ce point?
Les délinquants ont bénéficié d’une complicité inespérée: la météo. Ils ont pu se fondre dans la brume, sans un témoignage fiable. Ensuite, des chutes de neige exceptionnelles, car ininterrompues, ont retardé la découverte des véhicules volés. Les fameuses «48 heures», si précieuses pour la police, se sont envolées et avec elles, nos espoirs de retrouver les auteurs.

Cela continue de vous hanter?
Hanter est un bien grand mot. La police n’aime pas l’échec, mais doit l’admettre. Cioran disait: «Vouloir justifier un échec, c’est l’amoindrir et le compromettre». Dans toute enquête non élucidée, il y a toujours un pourquoi qui attend une réponse. L’attaque de l’Intercity 744 dans les vignes du Lavaux a laissé bien des questions en suspens.

«Le train des brumes», Yves Paudex, éditions Plaisir de lire