«Produire local? Bien plus difficile qu’il n’y paraît!»

CIRCUITS COURTS • Pour fabriquer ses «sapins» de Noël en bois, un politicien lausannois s’est lancé le défi de tout produire localement. Un exercice compliqué et à faible rentabilité à l’heure où la relocalisation de l’économie est pourtant devenue un credo.

  • Un produit 100% suisse de la conception à la commercialisation. DR

    Un produit 100% suisse de la conception à la commercialisation. DR

Prenez du bois polonais, un menuisier italien, du carton chinois, un graphiste des pays de l’est, et vous obtenez un joli sapin en bois à moindre coût et qui risque de cartonner pour les prochaines fêtes de Noël. Pourtant, c’est exactement le choix inverse qui a été retenu par Denis Corboz (en médaillon). Cet enseignant, engagé en politique à gauche, mais sensible à l’esprit d’entreprise, s’est lancé il y a trois ans un petit défi: produire et commercialiser en Suisse, un sapin de noël fabriqué en bois, magnifiquement emballé d’ailleurs, mais uniquement sur la base de ressources locales : du bois, des menuisiers, du carton, des graphistes, une agence de communication, tous de la région.

«L’idée est née autour d’une table lorsqu’un membre de ma famille, pour s’amuser, dessine un joli sapin en bois, raconte-t-il. Et je lui ai dit: “on va le vendre”, mais uniquement en favorisant les ressources d’ici!»

Très vite, il s’avère que le défi est plus difficile à réaliser qu’il ne le pensait. Tous les prestataires contactés lui lancent: «Votre projet est sympa, mais il n’est pas viable avec des coûts d’ici, surtout pour des quantités modestes. Vous ne serez jamais compétitif si vous ne vous adressez pas à l’étranger!»

Relocaliser

Seulement voilà, l’homme a des convictions, aime les défis et s’entête: «A l’heure des changements climatiques, il faut absolument relocaliser le plus possible l’économie. L’idée de ce projet, c’était aussi de confronter mes valeurs à la réalité».

Alors il cherche, fouine, investit la totalité de sa fortune personnelle 30’000 francs environ et pour finir, traite avec des fournisseurs locaux: le bois est issu de forêts romandes, les cartons aussi, le site internet conçu en Romandie, et pour la menuiserie il fait appel à une entreprise de réinsertion – à 20 minutes de chez lui - , certes légèrement moins chère que le marché, mais pas concurrentielle avec l’étranger. «Olbis fait de la réinsertion professionnelle elle est donc doublement compatible, avec mes valeurs. Elle est un peu moins chère, mais bien plus lente, la contrepartie c’est qu’il a donc fallu imaginer des solutions de stockage, qui elles aussi, ont un coût. Cela montre à quel point l’exercice de faire du local est complexe et lourd d’implications».

Evidemment, de tels coûts se ressentent sur le prix final du sapin: 349 francs, infiniment moins si l’objet avait été conçu et fabriqué à l’étranger, malgré son mauvais bilan écologique. Certes, l’objet est esthétiquement très beau, le coffret en carton qui le contient et permet de le ranger pour le réutiliser chaque année très stylisé et élégant, mais il reste coûteux.

Cher, mais durable

«C’est vrai, cela donne au final un produit cher et ce alors même que la marge que je prends ne rémunère pas du tout mon travail. Mais d’une part cela prouve que ça peut marcher et d’autre part, ce sapin de qualité suisse quand même, est amorti en 4 ans, puisqu’il peut durer toute une vie, avec une empreinte écologique bien plus faible que s’il avait été importé de l’étranger».

L’année dernière, Denis Corboz a écoulé plus de 170 de ses sapins et il espère réitérer cette performance cette année également. «Au-delà d’essayer d’être en adéquation avec mes valeurs, c’est aussi une expérience qui m’a ouvert des perspectives sur le monde de l’entreprise conclut-il. Le stress de l’entrepreneur qui risque son argent, la difficulté de trouver des partenaires fiables et compétents, les problèmes de logistique, tout cela m’a beaucoup appris!»