Le petit pont du Grand-Pont

En football, un petit pont désigne pour un joueur le fait de dribbler, lancer, et pousser le ballon entre les jambes d’un adversaire pour le récupérer juste derrière. A Lausanne, le Grand-Pont désigne le fait de fermer totalement un axe vital de circulation...

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En football, un petit pont désigne pour un joueur le fait de dribbler, lancer, et pousser le ballon entre les jambes d’un adversaire pour le récupérer juste derrière. Non seulement la manœuvre est le signe d’une habileté technique certaine, mais elle a également l’immense mérite de ridiculiser celui qui en fait l’objet. A Lausanne, le Grand-Pont désigne le fait de fermer totalement un axe vital de circulation pour lancer des travaux de rénovation destinés à remettre à neuf un vénérable ouvrage au cœur de la ville et récupérer derrière… de futurs repentis de l’automobile. Là aussi, non seulement la manœuvre est le signe d’une habileté technique certaine – le pont date de 1844 – mais elle a également l’immense mérite, pour reprendre un mot à la mode, «d’emmerder» les automobilistes. Grande dribbleuse devant l’Eternel, la Municipale en charge de la mobilité l’avoue ainsi dans les colonnes de nos confrères du Temps: «gêner les automobilistes n’est pas un objectif en soi, (…) mais peut-être que ce chantier permettra d’accélérer le transfert modal» tacle-t-elle avec une candeur aussi surprenante que jubilatoire. «Notre but est de construire une mobilité plus durable (…), en tendant vers une ville apaisée. Mais pour réaliser cet objectif, une des conditions sine qua non est qu’une partie des usagers changent leurs habitudes». Un aveu en forme d’oxymore tant il est étrange d’envisager que les obscures voies de l’apaisement passent par l’emmerdement. Alors oui, la nécessaire fermeture du Grand-Pont est aussi un joli petit pont fait à tous les automobilistes de la ville. Sauf qu’en football, comme en politique du reste, la manœuvre si elle échoue, se retourne contre son auteur qui en perd le ballon dans un cas et des électeurs dans l’autre.