Le devoir de mémoire

  • Mathieu Fleury, Secrétaire Général de la FRC

    Mathieu Fleury, Secrétaire Général de la FRC

En matière de consommation, les scandales se suivent et ne se ressemblent pas, si ce n'est par leur origine commune: l'appât immodéré du gain. Je dois aussi reconnaître, à regret, que chaque scandale a tendance à faire oublier le précédent. Qui parle encore aujourd'hui de la bactérie EHEC, du lait à la mélamine ou même des prothèses mammaires défectueuses? Pour ainsi dire personne.

Avec un public habitué à zapper sans cesse d'une émotion éphémère à une révolte passagère, il est donc extrêmement difficile de mener des réformes de fond, demandant réflexion et sang-froid. Une fois passée l'agitation d'une crise, les pouvoirs publics et les acteurs de la société civile doivent déjà jouer aux pompiers face à la suivante. Résultat des courses: le consommateur-citoyen a tendance à devenir fataliste face à une cascade apparemment sans fin de mauvaises nouvelles et il devient très difficile de mobiliser l'opinion publique sur des combats de longue haleine. Cela donne de facto un grand avantage aux acteurs économiques les moins consciencieux: plutôt que de se remettre en question et de s'améliorer, il leur suffit de laisser passer le gros de la tempête et d'attendre que les projecteurs se détournent de leurs magouilles et mettent en lumière celles du voisin…

Face à un tableau d'une telle noirceur, l'abattement guette et notre responsabilité d'organisation de consommateurs n'en est que plus grande. L'espoir est toutefois permis, puisque grâce à notre «charte des consommateurs» – signée par 70% des élus romands à Berne – nous avons effectué une entrée fracassante sur la scène politique fédérale. Rappelant que la consommation privée représente 60% de notre produit intérieur brut (PIB), nous avons trouvé des partenaires parlementaires fiables et prêts à s'engager pour permettre aux consommateurs de jouer leur rôle dans le marché. Avec les débats sur la loi sur les denrées alimentaires et sur l'introduction d'une action collective en Suisse, nos alliés pourront montrer qu'ils n'ont pas la mémoire courte. Car se rappeler des lasagnes à la viande de cheval ou de l'affaire Lehman Brothers est la meilleure manière de s'engager pour un futur plus juste.