À l'AI à l'insu de son plein gré

ADMINISTRATION • Bénéficiaire de l'aide sociale, une jeune Lausannoise dépose une demande auprès de l'AI. Et a toutes les peines du monde à la retirer.

  • Soyez attentifs si vous signez une demande d'AI: elle ne peut être retirée que sous certaines conditions.

    Soyez attentifs si vous signez une demande d'AI: elle ne peut être retirée que sous certaines conditions.

Il est parfois difficile d'y voir clair dans les dédales administratifs des systèmes d'aide sociale de notre pays. Complexe, la législation échappe souvent au commun des mortels et sans conseil avisé, il n'est pas aisé de distinguer ce qui relève de la loi et ce qui relève de dysfonctionnements avérés. Appelons-la Karine. Âgée de 38 ans, cette Lausannoise émarge à l'aide sociale de la Ville de Lausanne depuis quelques années. Une institution dont elle remet vertement en cause le fonctionnement. «Cette administration travaille sur le mode de l'inertie et de la suspicion, sans concertation et sans explication, s'insurge-t-elle. C'est un système qui condamne les gens sous prétexte qu'ils sont faibles. C'est vraiment inadmissible, car on ne m'a jamais informée des conséquences de ce que l'on me proposait!»

Détection précoce

L'objet de sa colère? A l'instigation de son assistante sociale, et bien qu'en arrêt-maladie, elle décide de monter un projet de réinsertion professionnelle en tant qu'indépendante. Seulement voilà: «L'assistante sociale m'a suggéré de faire une demande auprès de l'AI, au titre de la détection précoce, et sans m'expliquer de quoi il s'agissait exactement!». Rendez-vous est pris avec un conseiller de l'Assurance invalidité qui, «pour ne pas fermer la porte», lui suggère d'introduire une demande de rente, demande qu'elle signe aussitôt.Un mois plus tard, Karine décide de se rétracter et en informe l'administration: «A 38 ans, vivre de l'AI, ce n'est franchement pas un projet de vie!» Décembre 2012, elle tombe des nues: son dossier AI est toujours en instruction et n'a en aucun cas été fermé. Une situation qui la bloque considérablement et qui l'empêche de toucher les prestations du chômage, auxquelles elle prétend pour mener à bien son nouveau projet professionnel. «C'est invraisemblable, je suis aujourd'hui dans une vraie situation de blocage. L'aide sociale me mène à l'AI, et l'AI me dit qu'il est impossible de retirer ma demande. Or, je ne veux pas être à l'AI!»

Subsidiarité

Chef du service social de Lausanne, Michel Cornut rappelle «un principe fondamental». «Dans la législation suisse, explique-t-il, l'aide sociale est subsidiaire à tous les autres régimes sociaux. Quand un bénéficiaire est en incapacité de travail durable pour raisons de santé, une demande auprès de l'AI doit être envisagée. Cette demande peut aboutir à des mesures de réadaptation ou à une rente. Le cas échéant, l'AI rembourse l'aide sociale des montants qu'elle a avancés». M. Cornut précise encore que «le bénéficiaire de l'aide sociale qui refuse d'exercer ses droits auprès d'une assurance sociale s'expose à une réduction de l'aide versée».A l'office cantonal AI de Vevey, on avance également les règles législatives. «En règle, un retrait de demande d'AI est possible, explique le porte-parole Dominique Dorthe. Sauf dans le cas où il serait préjudiciable, soit aux intérêts de la personne assurée, soit à ceux d'une partie tierce, en l'occurrence ici les services sociaux de la ville de Lausanne qui ont avancé de l'argent à cette dame. Les services de l'AI n'ont pas commis d'erreur dans la gestion de ce dossier. Tout au plus y a t-il eu un problème de communication avec cette personne».