500 cas d'abus chaque année!

AIDE SOCIALE • L'article que nous avons consacré aux abus dans le domaine l'aide sociale (LC / édition du 11 octobre) a suscité de nombreuses réactions indignées sur notre site internet www.lausannecites.ch. Chef du service social de la Ville, Michel Cornut a accepté de répondre à nos questions.

  • Le service dirigé par Michel Cornut met tout en oeuvre pour traquer les fraudeurs. VILLE DE LAUSANNE

    Le service dirigé par Michel Cornut met tout en oeuvre pour traquer les fraudeurs. VILLE DE LAUSANNE

Lausanne Cités: L'article a suscité beaucoup de réactions, souvent indignées. Comprenez-vous cette indignation concernant ces cas particuliers dont nous garantissons l'authenticité?

Michel Cornut: Oui, bien sûr! Quand on travaille dur et que l'on peine à nouer les deux bouts, on ne peut pas admettre de tels abus. Si vous n'aviez pas modifié les profils des intéressés, ils feraient déjà l'objet d'une plainte pénale.

Sur cette base, combien de cas d'abus détectez-vous chaque année en moyenne ?

Environ 500 cas, à rapporter aux 8'000 ménages lausannois qui ont fait appel à nous, temporairement ou durablement, chaque année. Certaines fraudes ne portent cependant que sur quelques dizaines de francs, alors que d'autres, une cinquantaine par année, sont plus graves, avec des salaires ou des rentes non déclarés parfois durant des mois.

Statistiquement, les abuseurs de l'aide sociale sont-ils majoritairement suisses ou d'origine étrangère ?

Nous n'avons pas une telle statistique, mais il me paraît que les fraudes sont réparties de manière assez égale entre Suisses et Etrangers.

Comment procédez-vous pratiquement pour les identifier et, le cas échéant, les sanctionner ?

Nous menons chaque année 150 enquêtes suite à des dénonciations ou des doutes fondés, par exemple lorsqu'un bénéficiaire ne s'avère pas disponible pour un entretien ou un stage. Ces enquêtes impliquent toutes sortes d'investigations, des visites domiciliaires et parfois même des filatures. Lorsque la fraude est avérée, nous exigeons la restitution des montants indûment perçus, avant de dénoncer les intéressés, qui s'exposent à des amendes jusqu'à 10'000 francs. Les cas d'escroquerie ou de faux dans les titres font l'objet de plaintes pénales, avec des condamnations à la clé.

Ces cas sont-ils stables ces dernières années ou plutôt en augmentation?

Les cas découverts sont en augmentation, parce que nous avons amélioré nos contrôles.

On dit que la Ville de Lausanne est laxiste en matière d'aide social. Que répondez-vous à ces accusations ?

Pour chaque demande d'aide sociale, le collaborateur qui la traite engage sa responsabilité en signant une check-list qui atteste que tous les contrôles requis par l'autorité cantonale ont bien été effectués. Puis le supérieur hiérarchique s'en assure également. Ensuite, le bénéficiaire doit remplir et signer chaque mois un questionnaire sur sa situation. Tous les revenus éventuels doivent être annoncés. Si, après un an, le bénéficiaire est toujours à l'aide sociale, nous procédons à nouveau aux contrôles prescrits. Ce dispositif est déployé depuis 2005 à Lausanne et depuis 2006 dans tout le canton. Nous accordons une égale importance à la lutte contre les perceptions indues et à la diligence dont nous devons aussi faire preuve face aux requêtes des personnes en détresse qui nous sollicitent. Pour autant, le secret bancaire et le secret fiscal limitent nos possibilités d'investigation. Nous ignorons tout des comptes bancaires non annoncés, nous n'obtenons aucun renseignement de l'administration cantonale concernant les personnes imposées à la source, nous ne pouvons pas procéder à des recoupements systématiques avec les revenus déclarés à l'AVS, par exemple. La fraude reste donc possible. Peut-être faudrait-il moins de protection des données dans ce pays, mais pour tous, pas seulement pour les plus démunis.