Votations du 3 mars - L'ambition d'un homme

Duel vaudois sur Minder - L'initiative Minder ne cesse de déchaîner les passions, surtout après l'affaire Vasela, patron de Novartis qui empoche un parachute doré de 72 millions.Une indemnité qui apparaît comme une véritable provocation, suscite la colère des actionnaires de son groupe et d'amères critiques à gauche comme à droite.Excédés, les Suisses pourraient bien s'acheminer vers un vote émotionnel. Reste que les partisans du contre-projet n'ont pas dit leur dernier mot à l'image de ceux qui défendent l'initiative. Deux de nos conseillers nationaux fraîchement élus à Berne en débattent: le socialiste Jean-Christophe Schwaab surfe sur la vague Vasela et le PLR Fathi Derder s'attaque à la personnalité de Thomas Minder.

  • Fathi Derder - Conseiller national

    Fathi Derder - Conseiller national

Fathi Derder - Conseiller national en fonction depuis 2011- Date de naissance: 4 décembre 1970 - Parti politique: Parti libéral-radical

Etes-vous surpris par le fait que l'initiative ait recueilli suffisamment de suffrages pour passer devant le peuple ? Qu'elle passe ou non, cette initiative ne représente-t-elle pas un signal fort pour tous ceux qui ont collectionné parachutes dorés et autres rémunérations anticipées?
Je ne suis pas surpris par le succès de l'initiative. C'est un sujet extrêmement sensible: demander à la population si elle approuve que certains gagnent des dizaines de millions, de manière simpliste et sans rentrer dans les détails des questions abordées, c'est la base du populisme. Raison pour laquelle n'importe quelle initiative allant dans ce sens rencontrera du succès. En tout cas assez de voix pour passer devant le peuple. Donc non, je ne suis pas du tout surpris. Quant à la question de fond, il est certain que l'initiative est une réponse à certains abus, qui méritaient correction. C'est donc un signal, et l'initiative a un mérite: elle a permis de mettre sur pied un contre-projet, qui sera nettement plus efficace.

Quel sens symbolique donnez-vous au fait qu'un entrepreneur en soit à l'origine?
Je ne vois pas un entrepreneur: je vois un homme politique qui rêvait d'une carrière à Berne, et qui a trouvé un formidable moyen de la lancer. D'ailleurs, il avait hésité à retirer son initiative: le contre-projet répondait à toutes ces requêtes. Mais il l'a maintenue, pour continuer à exister politiquement. C'est un habile calcul: surtout pour un homme proche de l'UDC qui bénéficie du soutien de toute la gauche…

N'est-il pas normal que les actionnaires aient, comme le prévoit le texte de l'initiative un contrôle accru sur les rémunérations des dirigeants d'entreprises?
Il est normal que les actionnaires aient un contrôle accru sur les rémunérations des dirigeants d'entreprises, comme le prévoit le contre-projet! Il n'est par contre pas normal que les actionnaires se substituent au Conseil d'administration pour déterminer ces salaires. L'initiative donne trop de pouvoir aux actionnaires: c'est dangereux.

En quoi le texte de l'initiative est-il mauvais?
Sur ce point, précisément: un Conseil d'administration doit pouvoir déterminer le salaire des dirigeants qu'il engage. A chacun ces compétences: les actionnaires ne sont pas «Dieu sur terre». Je l'ai dit: l'initiative donne beaucoup trop de pouvoir aux actionnaires. Je suis surpris d'entendre la gauche adorer soudain les actionnaires… Elle expose les entreprises à des OPA hostiles. Souhaitons-nous vraiment donner plus de pouvoir aux fonds d'investissement anglo-saxons pour remplacer d'un coup de dé le président d'une entreprise suisse?

Quel regard portez-vous sur la campagne qui vient de s'écouler?
Trop de populisme. J'y vois les dérives de la démocratie directe, quand elle est mise au service de la carrière d'un seul homme.