Les jeunes contre Junod

Les mesures de la Municipalité destinées à pacifier les nuits lausannoises suscitent l'insatisfaction de nombreux jeunes.
Ceux-ci déplorent un manque de concertation et estiment faire les frais de la politique sécuritaire de la Municipalité. Même les jeunes Verts et les jeunes socialistes, qui soutiennent Grégoire Junod, émettent de sérieuses réserves.

  • Pacifier la vie nocturne: un véritable défi, dont les jeunes ne veulent pas faire les frais. © Valdemar VERISSIMO

    Pacifier la vie nocturne: un véritable défi, dont les jeunes ne veulent pas faire les frais. © Valdemar VERISSIMO

Rarement, décisions de la municipalité auront suscité une telle levée de boucliers auprès des jeunes. En charge de la sécurité depuis la semi-démission de son collègue Vuilleumier, le municipal socialiste Grégoire Junod a décidé de prendre le taureau par les cornes. À preuve, le redéploiement des uniformes nettement perceptible sur le terrain depuis quelques semaines, à la grande satisfaction des Lausannois (lire notre édition du 6 décembre). L'autre grand chantier consubstantiel au premier, était évidemment l'organisation des nuits lausannoises.Et là encore, le municipal n'a pas hésité à empoigner le problème à bras-le-corps et à confirmer le 6 décembre dernier, les mesures destinées à «pacifier» les nuits de la cité. Pourtant, celles-ci sont loin de faire l'unanimité chez les jeunes. Ou plutôt si, mais contre elles, tant tous partis confondus, ceux-ci témoignent d'une réelle insatisfaction.

Pétition

Alors bien sûr, si à droite les jeunes PLR fustigent sans surprise le projet en lançant carrément une pétition qui a déjà recueilli un bon millier de signatures, l'attitude des jeunes de gauche est un peu plus surprenante. Car si ceux-ci soutiennent leur élu, ils ne se privent pas moins pour autant d'émettre des critiques.Les jeunes Verts vaudois par exemple se sont même fendus d'un communiqué ironiquement intitulé «Nuits lausannoises, des solutions plus tape-à-l'oeil que satisfaisantes» et dans lequel on peut lire: «bien que certaines mesures présentées laissent entrevoir un début de solution (...) d'autres paraissent essentiellement guidées par une volonté politique».Dans leur collimateur, l'heure de fermeture des établissements publics: «Nous saluons les mesures prises, concède David Raedler, un des co-rédacteurs «verts» du communiqué de presse. Mais certaines choses auraient pu mieux se faire. Fermer à 3 heures les établissements qui ne respectent pas les règles du jeu est contre-productif puisqu'on met justement dehors ceux qui pourraient poser problème».Au niveau des jeunes socialistes, une même critique larvée se fait entendre: «Bien sûr que nous soutenons Grégoire Junod, qui ne nous a en aucun cas trahis et qui nous a même rencontrés, même s'il a développé son argumentation en des termes très technocratiques », annonce ainsi Julien Rilliet, porte-parole de la Jeunesse socialiste vaudoise.Sauf que le jeune politicien émet néanmoins un bémol: «Ses mesures vont dans le bon sens, mais ce qui nous déplaît, c'est l'interdiction de consommer de l'alcool sur la voie publique dans certaines zones. Les jeunes qui n'ont pas les moyens de consommer dans les établissements ne pourront plus aller dans la rue et changeront de zone. À terme, ce que l'on craint, c'est une interdiction générale de consommer dans toute la ville de Lausanne!»

Table ronde

Les jeunes libéraux-radicaux, quant à eux, ont donc choisi la voie de la pétition, soutenue par Stanislas Wawrinka lui-même. «C'est nous qui sommes sur le terrain et l'état d'esprit de ces mesures est inapproprié, s'insurge leur vice-président Baptiste Muller. Au lieu de s'attaquer aux délinquants, on s'attaque aux noctambules dont on laisse croire qu'ils sont responsables de l'insécurité. Mais c'est tout le contraire!»Tous partis confondus, les jeunes s'accordent à déplorer le manque de concertation de la Municipalité, qui ne les a contactés qu'«à posteriori». Au stade actuel des choses, ils appellent, pour les PLR, à une «table ronde», ou pour les jeunes Verts, « à continuer et élargir la réflexion».«Les problèmes des jeunes transcendent les appartenances politiques, conclut le socialiste Julien Rilliet. Nous avons fait passer un message clair à M. Junod, qui nous a compris. Sinon, on n'aurait pas hésité à montrer notre force de frappe et à monter une coalition interpartis. Mais on en est loin!»

Grégoire Junod: «Les mesures peuvent être adaptées»

Les jeunes déplorent le manque de concertation de la Municipalité et se prononcent pour une concertation «plus large», voire pour une «table ronde». Envisagez-vous de continuer les discussions avec eux ?
Je suis toujours ouvert à la concertation et discute très volontiers de mesures proposées avec les mouvements de jeunes. De nombreux aspects restent à discuter, notamment autour de la prévention ou encore des transports publics la nuit. Une table ronde cantonale a aussi été demandée avec insistance touchant notamment la question de l'offre culturelle et d'animation nocturne des différentes villes du canton. C'est une bonne idée.

Les jeunes socialistes craignent à terme une généralisation de l'interdiction de consommer de l'alcool sur tout le territoire communal. Est-ce envisageable ?
En aucun cas, ce serait d'ailleurs interdit par le Tribunal fédéral. Les décisions d'interdiction de consommation d'alcool doivent respecter la proportionnalité et répondre à un but d'intérêt public.

Pour les jeunes libéraux, l'ensemble des mesures ne sont pas satisfaisantes, car elle font passer les noctambules pour les responsables de l'insécurité...
Les événements de ces derniers mois ont terni l'image, jusqu'alors positive, de Lausanne comme lieu privilégié pour la vie nocturne. Nombreux sont aujourd'hui les jeunes qui ont parfois peur de sortir à Lausanne ou qui trouvent l'ambiance moins festive qu'elle ne l'était auparavant. L'enjeu est donc de sortir de cette situation par le haut avec un ensemble de mesures. Les noctambules, loin d'être pris en otage, devraient en être les principaux bénéficiaires.

Est-il possible d'agir pour garantir à la fois les impératifs de sécurité souhaitée par la population et dans le même temps fournir les conditions de nuits agréables et attractives pour les jeunes?
C'est bien l'objectif du dispositif proposé. Il faudra bien entendu être attentif aux effets des mesures proposées et cas échéant les adapter.