Et si on les privatisait?

- Les prisons vaudoises sont au bord de l'explosion avec un taux d'occupation de 170%.
- Le secteur privé prône un partenariat public-privé pour financer de nouvelles cellules.
- Le canton rejette toutefois cette idée. Pour lui, cette solution n'est pas à l'ordre du jour.

  • A l'image de la prison du Bois-Mermet, les prisons vaudoises débordent de toute part.

    A l'image de la prison du Bois-Mermet, les prisons vaudoises débordent de toute part.

Les rapports se succèdent et se ressemblent: avec un taux d'occupation de 170% et parfois trois détenus par cellule, les conditions de détention dans les prisons vaudoises sont devenues intolérables. Dernier exemple en date: le rapport fédéral qui épingle l'établissement lausannois de Bois-Mermet, construit il y a un siècle.

Etablissement vétuste

La Commission nationale de prévention de la torture (CPNT) recommande ainsi aux autorités de prendre rapidement des mesures pour remédier, entre autres, à la suroccupation des cellules. «Cette prison est un établissement vétuste qui n'a pas été conçu pour accueillir le double des effectifs, note-t-elle. La pratique actuelle qui consiste à placer deux détenus dans une cellule individuelle dont la taille est réduite n'est pas acceptable et contrevient aux normes fédérales en la matière.» La commission recommande dès lors aux autorités de prendre des mesures urgentes pour remédier à cette situation, tout en saluant au passage l'intention du Conseil d'Etat de mener prochainement une étude visant à son assainissement, voire à son remplacement.Le rapport de la CPNT ne se borne toutefois pas à ce simple constat. D'autres points noirs sont soulignés, comme le fait que certains détenus passent parfois 27 heures d'affilée sans sortir ou qu'ils doivent dormir à même le sol, faute d'espace suffisant. Dès lors, il semble évident que l'offre pénitentiaire ne suffit plus.

Une solution privée?

Economiesuisse a décidé de faire une proposition qui permettrait de trouver les 100 millions de francs nécessaires à l'extension des prisons existantes. «Un partenariat public-privé (PPP) pourrait être la solution, précise Kurt Lanz, membre de sa direction, surtout pour accélérer les choses et réduire les coûts. Mais, avant toute chose, il faut mener une réflexion sérieuse à ce sujet. Les PPP permettent souvent de belles réalisations, comme celle de la prison de Berthoud.» Dans le canton de Berne, sur la petite commune de Berthoud, une prison intégrée au projet Neumatt a en effet été construite grâce à un PPP. Le volume d'investissements s'élevait à environ 150 millions de francs. 110 détenus supplémentaires peuvent ainsi être accueillis. L'association PPP Suisse se félicite de ce succès: «Le PPP Neumatt le montre: les PPP sont faisables en Suisse; les pouvoirs publics doivent explorer cette voie.»Pour Béatrice Métraux, conseillère d'Etat en charge de l'intérieur, la question de la surpopulation carcérale s'inscrit dans la logique plus générale de la chaîne pénale: police, Ministère public, service pénitentiaire. «Ces trois entités collaborent chacune dans le respect de leurs missions, tient-elle à préciser. On constate qu'avec l'entrée en vigueur du nouveau Code de procédure pénale le 1er janvier 2011, le rythme des mises en détention provisoire ne s'est pas ralenti, même si un certain recul avait été enregistré durant les six premiers mois de 2011, alors que le nouveau système se mettait en place.»Une tâche

Un non clair

Lorsqu'on lui demande ce qu'elle pense de la proposition d'economiesuisse de privatiser les prisons, la réponse ne tarde pas: «Ce n'est absolument pas à l'ordre du jour. Le canton de Vaud est signataire de concordats et assume les obligations qui y sont liés en matière de détention. Ces questions sont débattues avec les autres cantons romands et aucun ne souhaite la privatisation de cette mission régalienne de l'Etat.»Et de l'affrimer clairement: « Nous ne souhaitons pas sous-traiter cette tâche à des entreprises privées. En revanche, ces dernières s'occupent déjà du transport des détenus entre les cantons et en terres vaudoises du contrôle périmétrique de plusieurs établissements.» n

 

Un calvaire pour tous

Au quotidien, les prisons vaudoises, et plus largement romandes, vivent un véritable calvaire. Les mutineries se succèdent et les détenus font savoir leur ras-le-bol.Ricardo*, détenu à la prison de Bois-Mermet, nous avait confié il y a peu, sa fatigue mentale. «Des détenus se battent à cause de la promiscuité. La colère monte et je sens que cela va finir par exploser. Cela ne peut plus durer, c'est une évidence pour tout le monde. Pour vous montrer l'état de la situation, je peux juste vous dire que nous sommes nombreux à avoir l'impression d'être traités comme des animaux que l'on va abattre. Et ça, ce n'est pas bon, cela crée de la haine et je peux vous assurer que c'est très dangereux.»Les gardiens ne sont pas en reste: «Il ne faut pas avoir peur de le dire, la situation est tout simplement catastrophique pour le personnel dans les prisons, tonne Cyrille Perret, secrétaire général de la Fédération des Sociétés de fonctionnaires vaudois (FSF). C'est dangereux! Je crois que les élus ne se rendent pas compte de la gravité de la situation. Ils attendent qu'un gros couac arrive pour agir, c'est déplorable!»Dès lors, imaginer faire appel au secteur privé pour tenter d'accélérer le mouvement de rénovation pourrait être une bonne chose. D'autant que l'Etat garderait la main sur ses prisons puisque l'on parle de partenariat public-privé et non de privatisation totale.

* nom connu de la rédaction