Des ambitions pour les Vaudois

- Au Conseil d'Etat depuis bientôt un an, la socialiste Nuria Gorrite semble avoir déjà trouvé ses marques.
- Fine politique et très à l'aise, la cheffe du Département des infrastructures et des ressources humaines impose son style, entre fermeté et décontraction.
- Gouvernance, fonctionnement du Conseil d'Etat, Navibus, CFF, état des routes, infrastructures, aménagement des centres-villes, la Morgienne est sur tous les fronts.

  • En fonction depuis le mois de juillet dernier, Nuria Gorrite gère des dossiers délicats. Valdemar Verissimo

    En fonction depuis le mois de juillet dernier, Nuria Gorrite gère des dossiers délicats. Valdemar Verissimo

Depuis le 1er juillet 2012, vous dirigez le très exposé Département des infrastructures et des ressources humaines. Quel premier bilan tirez-vous de votre expérience au Conseil d'Etat?

Il n'y a pas de CFC pour devenir conseiller d'Etat (rires). On y arrive avec ce que l'on est, et dans un contexte défini. Après 12 ans dans un exécutif (à Morges, ndlr), puis une expérience dans la députation, je n'étais pas démunie et je suis arrivée avec des réseaux. Bien entendu, le Conseil d'Etat implique d'autres codes, mais j'ai eu la chance de déjà connaître mes collègues et de trouver une volonté affirmée de répondre aux attentes du peuple vaudois. Enfin, c'était déjà une équipe qui travaillait bien avant, qui n'était pas conflictuelle, ce qui a bien facilité mon intégration, d'autant que j'ai un département qui ne s'inscrit pas dans les clivages gauche-droite.

Et quel regard portez-vous sur le fonctionnement du Conseil d'Etat en tant que collège?

Ce qui m'a le plus frappée, c'est à quel point on prend le temps de comprendre les dossiers des autres. On débat véritablement, et c'est très positif.

Qu'est-ce qui vous a le plus surpris au moment de votre prise de fonctions?

Incontestablement, le volume de travail! Mes collègues m'ont confié un gros bateau, 1000 collaborateurs, 500 millions de budget, sans compter que la mobilité implique de se déplacer sur l'ensemble du territoire... J'ai immédiatement commencé à dialoguer avec mon équipe: chacun a expliqué son fonctionnement, j'ai exposé mes attentes et nous avons ensuite calé l'organisation du travail. Au final, j'ai d'ailleurs mis cinq mois pour faire le tour de l'ensemble des dossiers.

En matière de dossiers, justement, lequel vous semble le plus délicat à gérer?

La vraie difficulté c'est plutôt de garder les équilibres entre les différentes missions de ce département: la mobilité, l'accueil de jour qui est à bout touchant, l'informatique avec la cyberadministration et la protection des données, ainsi que le personnel de l'Etat de Vaud. Ce département est au cœur de la vie des gens, et notre mission au Conseil d'Etat, c'est d'adapter les outils à l'évolution des modes de vie. Ce qui n'est jamais facile: pour la mobilité par exemple, nous avons été dépassés en termes de prévision des besoins. Pour les crèches et les garderies, idem: la loi prévoyait 2500 places, on en a fait 5000, et ce n'est toujours pas suffisant. D'ailleurs, je présente prochainement au Grand Conseil un projet ambitieux pour augmenter l'offre dans le canton.

Beaucoup de Vaudois protestent devant l'état des routes du canton. Les comprenez-vous?

Bien sûr! Quand on assainit les finances de manière massive, comme l'Etat l'a fait, les routes sont forcément mises à contribution. Nous n'investissions que 4 à 5 millions par an pour les routes, ce qui était clairement insuffisant. Aujourd'hui, et c'est un engagement du gouvernement, nous avons augmenté massivement les investissements avec plus de 20 millions par an. Et je ne parle pas d'élargissement des routes ou du réseau, mais simplement de l'entretien du réseau actuel!

Autre point épineux, celui des malheureux frontaliers qui s'entassent dans les Navibus…

J'ai reçu les représentants du Groupement transfrontalier européen, car je comprends leurs doléances. Mais plutôt que s'adresser exclusivement à l'Etat vaudois qui assume à 80% les déficits de cette ligne, ils doivent aussi interpeller leurs élus. Je n'ai pas de baguette magique, mais je crois aux possibilités de collaboration: l'Etat de Vaud a sollicité une rencontre avec les représentants du Conseil général de Haute Savoie. En attendant, j'ai validé la solution intermédiaire proposée par la CGN: prendre des bateaux plus grands mais moins rapides, afin de ne laisser personne à quai. Alors oui, le trajet prend 50 minutes, mais cela reste mieux que l'automobile.

Avec le projet Léman 2030, Vaud, Genève et les CFF se sont engagés à développer l'offre et les infrastructures.

C'est indispensable: les besoins sont tels qu'on doit investir massivement dans le rail. Sur la ligne Genève-Lausanne, on prédit plus de 100'000 voyageurs à l'horizon 2030. Il n'y avait donc que deux alternatives possibles: soit privilégier la voie continue, très difficile à mettre en œuvre, soit et c'est ce que nous avons choisi, prendre des trains plus longs et à deux étages pour augmenter l'espace disponible. Or dans ce cas, il faut allonger les quais et assurer les points de croisement des trains entre Lausanne et Renens et à Mies et Chambésy. Il y a une bonne nouvelle: ces coûts sont assumés par la Confédération qui consent plus de 6,4 milliards d'investissements pour le rail, dont plus de la moitié vont aller à la Suisse occidentale, si le peuple le confirme en votation. Et nous continuons à étudier les solutions d'avenir pour augmenter la capacité de la ligne, qui passeront par des tronçons à trois, voire à quatre voies.

Reste le problème des tarifs CFF qui prennent l’ascenseur!

C’est vrai, mais si on additionne les coûts, la voiture reste clairement plus chère. En réalité, une partie de coûts doit être assumée par les pouvoirs publics, l’autre par les usagers. A une condition: que la pression sur les usagers ne les décourage pas de prendre le train. C’est aujourd’hui le sens de notre réflexion avec Mobilis et les CFF.

Autre problème: aujourd’hui, on a le sentiment que les commerçants sont les victimes collatérales des travaux pratiqués dans les centres-villes. La grogne monte…

Je les comprends, car ils subissent une lourde pression financière et doivent faire du chiffre. En fait, l’objectif doit être double: libérer les centres-villes de ceux qui n’ont rien à y faire, en limitant le trafic de transit et en imaginant des solutions de contournement. Et secundo, il faut mener une réflexion sur le problème du stationnement, pour libérer ce que l’on appelle les places-ventouses, en favorisant le stationnement de courte durée. Au fond, ce n’est pas tant « moins de voitures » que « mieux de voitures » qu’il faut au centre-ville.

Votre ville de Morges vous manque-t-elle?

Je reste Morgienne. Dans cette ville, j’ai ma vie, ma famille, mes attaches, et je reste en contact avec mon ancienne administration, avec laquelle j’échange souvent. Mais le Conseil d’Etat, c’est tellement passionnant qu’il n’y a pas de place pour les regrets…

Un mot sur votre successeur à la Municipalité morgienne, Vincent Jaques, qui a l'air d'avoir des débuts plutôt difficiles.

C'est un type très bien, un immense bosseur, honnête et qui connaît très bien ses dossiers. Mais il arrive dans un moment difficile en termes de finances et en plus il a, comme toujours au début d'un mandat, derrière lui les figures de ceux qui l'ont précédé, ce qui n'est pas facile, je le dis d'expérience. Je trouve qu'il résiste bien dans cette période de turbulences pour les communes. La politique est un combat, et il défend ses points de vue avec une force de persuasion croissante.

Retrouvez l'intégralité de l'interview de Nuria Gorrite sur notre site: www.lausannecites.ch