Le temps du désarroi

Soumis à une terrible compétition, les acteurs du photovoltaïque souffrent. En Europe, plusieurs entreprises ont fait faillite.La Suisse n'échappe pas au phénomène. A Cheseaux-sur Lausanne, Applied Materials vient de procéder à une restructuration d'envergure.A l'origine de ce phénomène, la frilosité étatique conjuguée à la concurrence de l'industrie chinoise.

  • L'industrie photovoltaïque traverse une importnante zone de trubulences.

A Cheseaux-sur-Lausanne, la nouvelle a fait l'effet d'une douche froide. Il y a dix jours, malgré d'excellents résultats 2011, la filière du groupe américain Applied Materials, implantée dans la commune depuis 2007, annonçait un plan de restructuration à l'échelle mondiale et ses conséquences pour sa filière vaudoise: la suppression de 150 à 170 emplois. Un séisme à l'échelle régionale. A l'origine de cette décision, la volonté du géant américain d'accélérer le transfert de sa production de Cheseaux vers l'Asie. L'entreprise, qui fabrique des machines de haute précision à découper le silicium pour les panneaux solaires, expliquait ainsi que ce marché avait subi une chute brutale des commandes ces derniers mois. Chiffres à l'appui: à la mi-février, ses derniers chiffres faisaient effectivement état d'une baisse de 62% des commandes.

Une réalité européenne

Dans le domaine du photovoltaïque, Applied Materials ne fait pas figure d'exception. Une autre entreprise suisse leader dans le domaine des technologies environnementales, Meyer Burger, à Thoune, a dû se résoudre à supprimer des centaines d'emplois en mars dernier, alors qu'en Europe et aux Etats-Unis, plusieurs entreprises ont dû fermer leurs portes. L'industrie photovoltaïque est en phase de consolidation, explique Christophe Ballif, directeur du laboratoire de photovoltaïque de l'EPFL. Dans ce domaine, au début des années 2000, les produits chinois n'occupaient que 1 à 2% du marché mondial. Aujourd'hui, cette part se situe au-delà de 50%. Grâce à d'importantes aides de l'Etat et de leurs banques, les usines chinoises se sont équipées de lignes de production européennes, y compris de machines suisses. Elles sont en mesure aujourd'hui de proposer leurs panneaux solaires à des prix jusqu'à 20% inférieurs à ceux de leurs homologues européens». Une réalité que ne dément pas Peter Pauli, le patron de Meyer Burger. Peu après avoir annoncé une large restructuration de son entreprise, il confiait au magazine Bilan: «Le plan des Chinois consistant à entrer dans cette industrie avec de très gros volumes afin de réduire les coûts a marché». Mais au-delà de cette concurrence, Peter Pauli expliquait également le marasme ambiant en invoquant des raisons plus politiques. «La crise financière a mis les Etats en position d'attente, notait-il. La question de savoir comment nous allons changer nos modes de production et de consommation d'énergie est passée au second plan. De plus, le débat qui a commencé sur le futur des tarifs de rachat en Allemagne et en Espagne, deux pays qui tirent le marché, a également créé de l'incertitude».

Confiance de mise

Peter Pauli, tout comme Christophe Ballif, restent cependant convaincus que la croissance du solaire est loin d'être terminée et que son potentiel de développement est immense. Mais pour que la Suisse demeure un acteur important du marché, ils insistent sur la nécessité d'innover.«Notre pays a une carte majeur à jouer sur des marchés de niche, par exemple les panneaux flexibles ou colorés, pour le développement technologique des procédés et équipements pour les nouvelles générations de cellules solaires, et pour certains composants de haute qualité», note ainsi le directeur du laboratoire de photovoltaïque de l'EPFL qui plaide également pour une réforme et une extension de la rétribution à prix coûtant (RPC), cet instrument créé en 2008 par la Confédération et qui a abouti à la création d'une taxe verte sur l'électricité pour favoriser la promotion des énergies renouvelables. Un appel partiellement entendu puisqu'à la fin du mois d'avril dernier, la conseillère fédérale Doris Leuthard annonçait que le plafond de la RPC allait être relevé. Il est actuellement fixé à 0,6 ct. par kWh, mais la taxe réellement prélevée est de 0,45 ct./kWh. Dès 2013, le plafond sera hissé à 0,9 ct./kWh et il devrait même passer ultérieurement à 1,86 ct./kWh, ce qui devrait rapporter 1,2 milliard de francs pour subventionner des projets de production d'énergie verte.

«L'industrie photovoltaïque est en phase de consolidation»

Christophe Baillif, directeur du laboratoire de photovoltaïque de l'EPFL.