«Des usagers consomment du crack qu’ils ont eux-mêmes préparé» Jean-Philippe Pittet, responsable communication à la police lausannoise
«Depuis quelques mois, je croise de plus en plus de toxicomanes qui se déplacent comme des zombies en ville, un peu comme s’ils étaient sur une autre planète. C’est à la fois angoissant et inquiétant car j’ai l’impression qu’ils carburent à des drogues beaucoup plus puissantes qu’avant.» Ce constat fait par un quinquagénaire lausannois n’est pas un cas isolé. Plusieurs lecteurs nous ont alertés en nous décrivant des scènes peu banales dans le canton de Vaud où des personnes apparemment sous l’emprise de la drogue se mettent à hurler en gesticulant en pleine rue. Faut-il y voir la démocratisation d’une nouvelle substance aux effets dévastateurs? Impossible à dire. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que ces témoignages coïncident avec la progression d’une drogue extrêmement puissante et addictive: le crack.
Ce dérivé de la cocaïne, connu pour la fulgurance des sensations qu’il procure, semble toucher un nombre de plus en plus important de consommateurs vaudois comme le confirme Camille Robert, co-secrétaire générale du Groupement Romand d’Etudes des Addictions (GREA): «Il y a actuellement une hausse de la consommation de crack dans le canton de Vaud. Elle a été constatée depuis le printemps de cette année.» Même son de cloche de la part de Frank Zobel, directeur adjoint et co-responsable du secteur recherche chez Addiction Suisse: «Les principales données à ce sujet proviennent des centres à bas seuils (CABS) du canton. Ils observent depuis quelques années une hausse de la consommation de ce type de cocaïne. La même chose est observée dans certains autres cantons avec lesquels je suis en contact ainsi que dans certains pays voisins, comme la France et l’Allemagne. Cette hausse – qui n’est pas la première – a été graduelle et on n’a pas vraiment d’explication à ce sujet jusqu’ici.»
Marché en partie sous les radars
Au sein des forces de l’ordre, aux avant-postes pour déceler les nouveaux modes de consommation, le constat diffère entre le Canton et la Ville. Florence Frei, chargée de la communication à la police cantonale vaudoise, confirme «une sensible augmentation» de la consommation de crack sur sol vaudois alors que son homologue lausannois, Jean-Philippe Pittet, n’observe pas «de cas de vente de crack spécifique sur Lausanne.» Mais ce dernier souligne que la consommation de cette substance passe parfois sous les radars: «Il y a, depuis quelques années, des usagers qui consomment du crack qu’ils ont eux-mêmes préparé avec la cocaïne qu’ils achètent.» Une fabrication «maison» qui invisibiliserait en partie la propagation de cette drogue dont les effets peuvent s’avérer destructeurs: fortes fièvres, violents maux de tête, insomnies, tachycardie, hallucinations, arythmie, convulsions, mais aussi AVC, crise cardiaque ou convulsive.
Le spectre des organisations criminelles
Contrairement à la cocaïne qui est principalement sniffée ou injectée, le crack, lui, est rarement administré par voie intraveineuse. Généralement, il est consommé au moyen de pipes en verre bien spécifiques.
Celles-ci sont chauffées afin d’obtenir de la vapeur de crack qui sera inhalée. Une mixture, très addictive et beaucoup plus puissante que la poudre blanche tirée de l’arbre à coca, dont le prix de départ, pour une petite dose, se situe à environ 10 francs.
Un tarif plancher qui expliquerait, en partie, sa rapide démocratisation selon Camille Robert: «Il s’agit pour les organisations criminelles de maximiser leurs profits avec des produits plus puissants, consommables immédiatement, plus rentables et de mauvaise qualité. Cette recherche de profit se fait évidemment au détriment de la santé et de la sécurité des usagères et usagers de drogues.»