Thabo Sefolosha, un conte moderne

CHRONIQUE • Le basketteur vaudois, que les fées ont guidé jusqu’à l’eldorado américain, s’est cassé la cheville dans la colonne faits divers la semaine passée. Chronique d’un mauvais film.

  • Thabo Sefolosha, sortie de route ou victime des circonstances. DR

    Thabo Sefolosha, sortie de route ou victime des circonstances. DR

Il était une fois Thabo Sefolosha, né à Vevey le 2 mai 1984, un jour où les fées n’avaient pas poterie, ni Aqua Gym. Thabo Sefolosha, premier basketteur suisse à s’imposer dans l’eldorado américain de la NBA (il y évolue depuis 2006), s’est offert un destin doré à la sueur de son front. Une belle histoire, une fable un peu divine même, d’ailleurs dans le dialecte sotho, celui de son père sud-africain, Thabo signifie «celui qui amène la joie».

Une embrouille

Jusqu’ici, tout allait bien, surtout depuis son arrivée aux Atlanta Hawks, avec un contrat jusqu’en 2017 à 4 millions de dollars la saison, rêves de titre suprême en sus. Pas belle la vie? Mais pour que le conte existe, avec larmes et frissons, à un moment, il doit y avoir embrouille.

Pour Thabo Sefolosha, c’est arrivé mercredi 8 avril au petit matin, devant une boîte de Manhattan réservée aux «gens jeunes, beaux et riches», dixit le New York Times. Mais il était passé minuit et le carrosse a viré citrouille. La saison de Sefolosha, ruinée, s’achève dans les colonnes des faits divers, avec une cheville fracturée, opération et photos à la sortie du tribunal en prime. Une nouvelle comparution l’attend le 16 juin prochain, pour «obstruction à l’administration gouvernementale, résistance à une arrestation, et trouble à l’ordre public». Comme dans un sale film.

Quelques détails...

On l’a dit et répété: dans le sport de très haut niveau, tout se joue sur des détails. Un contre heureux, un rebond traître, un coup de reins libérateur et le match bascule. On appelle ça la vérité du terrain. Et puis il y a l’envers du décor, en d’autres termes la vraie vie. Là où une virée peut coûter cher - outre les consommations. Thabo Sefolosha en a fait les frais. Et au-delà de la douloureuse sportive (les play-off commenceront sans lui ce week-end), on voit une tache sur son CV jusqu’ici immaculé. «Au niveau du moral, c’est clair et net, il ne va pas bien, confiait son frère aîné Kgomotso, voici quelques jours. Il est passablement bouleversé.»

Flash back, mardi 7 avril à Atlanta, soirée déjà bien entamée. Thabo Sefolosha et les Hawks fêtent leur 58e succès de la saison - un record pour le club - contre Phœnix. Ils peuvent aborder les play-off de NBA avec ambition et sérénité. Mais avant ça, il reste une poignée de matches, à commencer par celui du lendemain, à New York. L’avion de l’équipe se pose dans la nuit sur «Big Apple». Avec l’adrénaline, plutôt que de se retourner quinze fois au lit, d’ailleurs cette ville ne dort jamais, autant aller boire un verre ou deux au «1Oak», où la compagnie sera bonne.

Sortie de route?

Oui mais cette nuit-là, Chris Copeland, lui aussi basketteur (aux Indiana Pacers), s’y fait poignarder, de même que sa compagne et une autre dame - ils survivront. Thabo Sefolosha et son coéquipier Pero Antic, n’ont aucun lien direct avec l’affaire. Mais les voilà arrêtés, de façon injuste selon leur avocat, pour refus d’obtempérer d’après le rapport de police. Le résultat de l’enquête pèsera lourd, d’autant qu’il y a dans la balance la cheville de Sefolosha, qu’une vidéo a montré en train de se débattre avant d’être menotté par quatre officiers.

Oui, tout allait bien avant cette escapade, dont les deux joueurs ont reconnu qu’il s’agissait d’une mauvaise idée, au moment de présenter leurs excuses publiques tout en rejetant les charges. Quelles conséquences cette affaire aura-t-elle sur la carrière de Thabo Sefolosha? Coupable d’une sortie de route ou victime des circonstances? Un peu des deux, sans doute. Reste que dans les contes de fées, il ne faut pas tenter le diable en allant boire un coup vers 3 heures du mat’ à Manhattan.