Le Suisse-allemand, cet être supérieur

CHRONIQUE • En foot comme en hockey, la «Romanditude» ne semble pas constituer un avantage. Ce serait même plutôt le contraire...

  • Se battre contre les équipes suisses-alémaniques, pas toujours facile. Les joueurs du Lausanne Hockyx Club le savent bien.

    Se battre contre les équipes suisses-alémaniques, pas toujours facile. Les joueurs du Lausanne Hockyx Club le savent bien.

  • Le röstigraben, pas un mythe, dans le domaine sportif en tous cas.

    Le röstigraben, pas un mythe, dans le domaine sportif en tous cas.

Le Suisse-allemand campe-t-il, d'un strict point de vue biologico-cérébral, un être supérieur à son cousin romand? Cette question, un brin provocatrice, voire ultra nauséabonde puisqu'elle tend à discréditer la thèse de l'égalité des races, on peut sans hésiter y répondre par une douloureuse affirmative. Oui, ganz klar, le «Bourbine» vaut bien mieux que le «Welsche»; en tout cas si nous nous fions à ce que décrètent les palmarès combinés des championnats nationaux de football et de hockey sur glace.

Cruelle désillusion

Rayon puck, il faut remonter à 1983 pour trouver la trace, avec celle coiffée par le HC Bienne, d'une ultime couronne «romande». Pourquoi assombrir encore tout ça avec des guillemets? Quiconque a déjà tendu l'oreille et ouvert l'œil en sortant du train en gare de Biel aura la réponse. «Biuuuu ischschsch bäässsser!», scandaient d'ailleurs les fans du bouillant Eisstadion (Stade de Glace) à l'époque.A l'époque... Elle est cruelle, désagréablement frappante, cette locution prépositionnelle de temps qui contient une apostrophe et se termine par une syllabe que reproduit volontiers le fruit blet lorsqu'il tombe sur un plancher vermoulu. Trente ans de disette, une nuit parfois étoilée par les épopées de Fribourgeois enthousiastes ou de vaillants Genevois (six finales perdues à eux deux entre 1992 et 2013). Et puis ce noir qu'on broie: «Peut-être devrions-nous nous montrer un peu plus suisses-allemands pour gagner quelque chose...», lâchait dans un constat lourd de sens Raphaël Berger, directeur de Gottéron, le printemps dernier après la défaite ultime face à Berne.

Le foot aussi

Le Romand, une espèce de loser jovialement paresseuse et désespérément suffisante? Le classement actuel de la Super League de football, où les deux représentants francophones (Sion et Lausanne) végètent tout au fond de la classe, ne dément pas la thèse. Et depuis Servette en 1999 - c'était au millénaire dernier... -, ce coin de pays n'a plus jamais vu la couleur d'un laurier.Fatalité structurelle ou tare congénitale? Certains chiffres permettent de se raccrocher à la première proposition: les Suisses-allemands, trois fois plus nombreux, ont par définition un réservoir de talents plus profond et un bassin économique plus vaste. Mais on leur prête aussi, et là on étaie plutôt la seconde option, un don plus développé pour l'effort, un goût plus affirmé pour la discipline.«Je le dis en toute honnêteté: il faut me montrer l'équipe qui a déjà remporté un titre avec plus de cinq ou six Welsche. Ce sont les faits», nota un jour Michel Zeiter, ex-hockeyeur deux fois champion avec Zürich. Interpellé sur sa sortie à caractère ségrégationniste, il avait enfoncé le clou: «Dans le fond, je n'ai rien contre les Romands, ce sont des gens décontractés. Il y a de bonnes individualités mais dès qu'ils sont en majorité dans un groupe, il y a une scission.»

Un espoir?

L'espoir est-il chose autorisée? Oui, on dit même qu'il fait vivre. On rappellera donc qu'en 1909, à l'occasion du premier championnat officiel de hockey, une formation de Vevey, le HC Bellerive, l'avait emporté; pas les Bouquetins d'Arosa ou les Sangliers de Bischofszell. Un poil plus récemment, dans les années 1960, à la patinoire des Mélèzes comme au stade de la Charrière, La Chaux-de-Fonds, une puissance horlogère bien de chez nous, faisait la loi.Et le flamboyant Servette des années 1970, dont le souvenir est tant adulé outre-Sarine aujourd'hui encore par tous ceux qui n'aimaient - et n'aiment donc toujours pas - ces sauterelles hautaines de Grasshopper? Et le grand Neuchâtel Xamax du président Gilbert Facchinetti de la fin des années 1980?Des souvenirs, toujours des souvenirs. Et ce sentiment tenace, qu'on adorerait voir voler en éclat: le Suisse-allemand est un être supérieur.