Epiceries en vrac: la fin des haricots

COMMERCE • La fermeture au printemps dernier de l’échoppe en vrac «Chez Mamie», à Lausanne, était-elle la première d’une longue liste? Ces petits commerces souffrent actuellement d’une drastique baisse de fréquentation qui menace leur existence.

  • Les épiceries en vrac souffrent d’une baisse de clientèle. MISSON-TILLE

    Les épiceries en vrac souffrent d’une baisse de clientèle. MISSON-TILLE

  • Sébastien Saugy, propriétaire de Basic, à la rue de la Pontaise.

    Sébastien Saugy, propriétaire de Basic, à la rue de la Pontaise.

  • Françoise Maden, propriétaire de l’épicerie Bio Bulk.

    Françoise Maden, propriétaire de l’épicerie Bio Bulk.

«Il ne se passe pas un jour sans que je lise dans la presse qu’une épicerie en vrac a fermé ses portes quelque part en Suisse ou ailleurs dans le monde.» Françoise Maden, propriétaire de l’épicerie Bio Bulk, à l’avenue de la Vallonnette, ne rayonne pas d’optimisme sur le futur de ces échoppes, à commencer par la sienne.

Installée depuis deux ans seulement, l’entrepreneuse évalue sa perte à 26'000 francs entre 2021 et 2022, sur la période allant de janvier à septembre. «L’avenir de Bio Bulk est très incertain. J’attends la fin de l’année pour prendre la décision de poursuivre ou non, car le mois de décembre est le plus important.»

La faute au Covid

De son côté, Sébastien Saugy, propriétaire du magasin Basic, à la rue de la Pontaise, déplore 2% à 30% de fréquentation en moins depuis ce printemps. Mais qu’est-ce qui met les commerces en vrac, un concept qui a explosé il y a environ cinq ans, dans de telles difficultés aujourd’hui? Pour tous, c’est clair: la pandémie, puis le retour à la vie normale, est à l’origine de leurs déboires. «Durant la crise sanitaire, notre commerce fonctionnait très bien, raconte Sébastien Saugy. Les gens prenaient davantage le temps de faire leurs courses et de cuisiner. On avait des clients qui venaient de plus loin, mais aujourd’hui tout le monde a repris son rythme effréné, et nous vivons uniquement avec les clients du quartier.»

Françoise Maden complète: «Selon moi, les gens ont tellement été privés pendant deux ans, qu’aujourd’hui ils se rattrapent, se font plaisir, vont au plus rapide, ont gardé l’habitude de commander en ligne. C’est dommage, car la planète va de plus en plus mal et on fait machine arrière.»

Prudence et sacrifices

Giuseppe Nihil, gérant de Saveurs en vrac, à la rue Pré-du-Marché a lui aussi perdu 30% de sa clientèle. Mais ce tournant s’est opéré dès le début de la pandémie. Située à proximité de la Riponne, le ralentissement de la société dû au virus n’a pas eu d’effet bénéfique pour cette enseigne. «Avec le travail à distance, il n’y avait plus personne au centre-ville.» Le retour à la vie normale n’y a rien changé. S’il ne se dit pas sur le point de fermer, il doit néanmoins «faire attention à tout»: commander au fur et à mesure pour éviter le stock et diminuer les dépenses.

Pour survivre, certains se résolvent à sacrifier quelques-unes de leurs valeurs. Françoise Maden indique ainsi qu’elle proposera davantage de produits en bocaux, et qu’elle développera un rayon sans gluten… emballé.

De son côté, Magali Russbach, co-gérante de la Brouette, explique avoir jusque-là évité les supports papier dans une optique de zéro déchets, mais que la coopérative mettra en place un programme de parrainage avec cartes de fidélité afin d’attirer la clientèle.

Un avenir à écrire

Autre composante et non des moindres, de nombreux supermarchés ont commencé à proposer de la vente en vrac, facilitant ainsi son accès au consommateur. «Cela prouve au final qu’il y a de l’intérêt, réagit Giuseppe Nihil. Les épiceries, si elles veulent survivre, doivent se démarquer par la variété et la qualité des produits proposés. Je suis convaincu qu’il y a de l’avenir pour ce concept et il faudrait pouvoir l’imposer politiquement afin qu’il prenne le dessus sur le tout emballé.»