«En pleine crise du logement, c’est un scandale de laisser ces appartements vides»

COUP DE SANG • Le conseiller communal socialiste Benoît Gaillard s’attaque aux logements inoccupés à Lausanne. Il a mené sa propre enquête en ville et son constat l’a poussé à déposer une interpellation pour que ces appartements «froids» soient remis sur le marché locatif.

  • Benoît Gaillard souhaite que la Municipalité empoigne le problème et référence les logements «froids» à Lausanne. PHOTOS MISSON-TILLE

    Benoît Gaillard souhaite que la Municipalité empoigne le problème et référence les logements «froids» à Lausanne. PHOTOS MISSON-TILLE

  • L’immeuble situé à la rue Pichard semble bel et bien vide.

    L’immeuble situé à la rue Pichard semble bel et bien vide.

«Les propriétaires ont des droits, mais aussi des devoirs»

Lausanne Cités: Selon vos informations, il y aurait en ce moment 8328 appartements vides dans la capitale vaudoise, êtes-vous sûr de ce chiffre?

Benoît Gaillard: Ce chiffre m’a été confirmé par le Service du contrôle des habitants de Lausanne. Il s’agit de logements où personne ne s’est annoncé.

Cela semble tout de même énorme…

Oui, il y a de quoi tomber de sa chaise. Mais il faut aussi nuancer ce chiffre. Tous les logements concernés ne sont pas forcément vides, il doit y avoir certains appartements qui appartiennent à des entreprises ou à des fondations et qui sont loués ponctuellement. D’autres sont certainement occupés par des personnes non-déclarées au Contrôle des habitants et qui résident la semaine à Lausanne ou qui sont clandestines. Reste que, malgré ces exceptions qui ne sont pas l’objet de ma démarche, il y a certainement au moins des centaines de logements vides qui pourraient être remis sur le marché locatif. Et en pleine crise du logement, cette situation est proprement scandaleuse surtout lorsque l’on pense aux familles qui cherchent désespérément un logement.

Il y a vos informations obtenues auprès du Contrôle des habitants et celles relevées au gré de vos promenades. Vous êtes partis à la chasse aux logements inhabités?

Déjà, j’aime me balader en ville avec mes enfants. C’est lors de ces pérégrinations urbaines, par hasard, que j’ai commencé à remarquer des immeubles inoccupés. Finalement j’en ai découverts pas mal en peu de temps…

Effectivement, vous en avez trouvé à l’avenue de Béthusy, au chemin de Bellerive et à l’avenue César-Roux, comment êtes-vous sûr que ces immeubles sont vides?

Une fois le constat fait sur le terrain, j’ai ensuite consulté le registre foncier pour voir à qui appartenait ces biens immobiliers. Ensuite, j’ai complété ces informations en me renseignant auprès des services de la Ville de Lausanne.

Vous avez même découvert que l’un de ces immeubles vides appartient à la galaxie immobilière de la «verrue» de Bel-Air…

Oui, c’est plutôt ironique quand on sait que je dénonce cette «verrue» depuis de nombreuses années. Figurez-vous que quelques centaines de mètres plus haut, à la rue Pichard, il y a un immeuble d’une dizaine d’appartements qui est actuellement inoccupé. Selon mes renseignements, il appartient effectivement à la même galaxie immobilière que les propriétaires de Bel-Air. Au lieu de me poursuivre en justice, ils feraient mieux de remettre leurs logements en location!

Vous avez raté votre vocation, vous auriez dû travailler à la police lausannoise…

(Il sourit) C’est un faux procès! Je ne joue pas au petit flic, je veux juste rappeler que les propriétaires ont des droits, mais aussi des devoirs. Un devoir d’entretien notamment, c’est-à-dire de maintenir leur bien en bon état. Mais aussi un devoir envers la société, qui devrait les inciter à ne pas enlever ces appartements du marché locatif.

 

Pourquoi ces propriétaires laissent-ils leurs logements vides au lieu d’encaisser les loyers?

Je me suis beaucoup demandé à qui profitait le crime. Et je ne peux pas m’empêcher de penser que derrière ce fléau se cachent notamment des visées spéculatives. Car un immeuble vide est beaucoup plus simple à revendre que s’il est occupé par des locataires. Certains propriétaires attendent que le marché immobilier monte pour pouvoir revendre leur bien avec une jolie plus-value.

Qu’espérez-vous obtenir de concret avec cette interpellation?

Dans un premier temps, que ce sujet soit mis sur le devant de la scène. Ensuite, la Ville de Lausanne dispose de plusieurs moyens d’action. S’agissant de bâtiments complets, elle peut faire pression au titre, notamment, de l’obligation d’entretien inscrite dans la loi cantonale sur l’aménagement du territoire et les constructions (LATC), et au titre de l’obligation d’exécuter les travaux dans des temps usuels. Aucun propriétaire n’a intérêt à être en délicatesse avec la Ville qui est aussi l’autorité qui délivre les permis de construire… S’agissant de logements individuels, elle peut vérifier qu’ils restent affectés au logement et ne soient pas détournés, par exemple sur airbnb ou transformés en bureau. Elle peut prononcer des sanctions pour dissuader cette soustraction du marché locatif. Et enfin elle devrait se doter de nouvelles ressources pour recenser les habitants par des inspections ou des contacts avec les propriétaires.

Cela ressemble tout de même à une chasse aux sorcières…

Absolument pas. On densifie, on construit, c’est bien, mais il faut aussi que tous les logements à disposition soient proposés sur le marché locatif et profitent aux familles qui doivent se loger, sinon on ne va pas au bout du raisonnement. C’est une simple question de bon sens.