Emprunts à la FIFA: le syndic s'exprime!

EXCLUSIF - La révélation des emprunts contractés par la Ville auprès de la FIFA a fait l’effet d’un véritable séisme politique. Comment expliquer ce que la droite juge comme une profonde hypocrisie? Le syndic Grégoire Junod nous livre en primeur sa version de l’affaire.

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Lausanne Cités: La Ville de Lausanne a contracté 28 emprunts entre 2017 et 2022 auprès de la FIFA, étiez-vous au courant?

Grégoire Junod: Les placements à court terme comme toute la gestion de la trésorerie relève du service des finances et non de la Municipalité. C’est logique et indispensable qu’il en soit ainsi. Il s’agit en effet d’une gestion au jour le jour avec des décisions qui doivent parfois se prendre dans l’heure. Je rappelle aussi qu’on ne parle pas ici de dépenses ou de placement d’argent public mais bien d’emprunts qui sont réalisés à court terme. Dans un contexte de taux négatifs, cette gestion de la trésorerie a permis à la Ville de Lausanne d’économiser plusieurs millions par année, ceci dans l’intérêt direct de la population.

Le 5 octobre 2022, sur le plateau du 19h30 de la RTS, votre municipale en charge des sports, Emilie Moeschler, s’alarmait de l’état des droits humains durant l’organisation de la Coupe du monde au Qatar. Le 21 octobre, le 18 novembre et le 2 décembre, la Ville contractait trois emprunts auprès de la FIFA pour un montant total de 170 millions de francs, c’est tout de même fort de café, non?

Je comprends que cela puisse surprendre. Mais la droite, c’est sans doute de bonne guerre, a largement forcé le trait. Les déclarations de la Municipalité de Lausanne à l’égard de la Coupe du monde et de la FIFA sont en réalité restées mesurées et concernant les conditions dans lesquelles les infrastructures ont été construites. Nous avons indiqué que nous n’organiserions ni ne financerions la mise en place d’une fan zone en 2022. Reconnaissons aussi que le vent de protestations qui a gagné toute l’Europe s’est révélé surtout symbolique, il ne s’en est en effet pas trouvé beaucoup pour boycotter les matchs et choisir de ne pas suivre leur équipe…

En toute franchise, sans les révélations de la RTS, la Municipalité aurait-elle continué à emprunter de l’argent à la FIFA?

C’est difficile de vous répondre de manière affirmative. La FIFA a de toute manière cessé de prêter aux collectivités publiques. Par ailleurs la fin des taux négatifs implique aussi de faire évoluer notre politique de placement. Mais nous continuerons à mettre des offres en concurrence pour préserver au mieux les intérêts de la commune.

La Ville a aussi sollicité des emprunts auprès de l’Aéroport de Genève, elle qui prône la durabilité à longueur de semaine, cela fait tout de même tache, non?

L’Aéroport de Genève est une infrastructure publique indispensable à la population et à l’économie de toute la Suisse romande, propriété à 100% du Canton de Genève. Souhaiter que le train remplace l’avion pour les courtes et moyennes distances et que l’on puisse limiter la croissance du trafic aérien ne veut pas encore dire qu’on veut fermer l’aéroport de Genève…

Ces révélations mettent-elles la Ville dans une situation financière compliquée?

Non, les prêts de la FIFA, environ 40 millions d’engagements en moyenne entre 2017 et 2022, n’ont représenté qu’une toute petite partie des emprunts de la Ville.

Sur quels critères, la Municipalité va-t-elle s’appuyer pour ses prochains emprunts?

Le Conseil communal a voté la semaine dernière une résolution nous enjoignant à plus de critères éthiques dans notre politique d’emprunt. Nous en discuterons bien évidemment. Mais notre marge de manœuvre demeure très limitée. Nous sommes contraints d’avancer sur une ligne de crête.

Qu’entendez-vous par là?

Il convient d’être honnête dans cette affaire. Emprunter de l’argent signifie pour une collectivité publique qu’elle doit être active sur les marchés financiers. C’est la seule option pour nous permettre d’assurer le financement des prestations de la Ville de Lausanne. On peut souhaiter des critères éthiques mais cela demeure difficile à mettre en place. Nous avons une réelle marge de manœuvre lorsque nous investissons, par exemple pour la caisse de pension. Mais ce n’est pas le cas pour les emprunts. Le secret bancaire ne nous permet pas de connaître l’origine des fonds, même lorsque nous empruntons à une banque ou une assurance active de longue date en Suisse. Dans tous les cas, nous veillerons à prendre les meilleures décisions dans l’intérêt des Lausannoises et Lausannois.