«La vie d’en bas», une sacrée leçon de résilience

TÉMOIGNAGE • Il avait à peine deux ans quand il a été amputé des deux jambes suite à un terrible accident. Aujourd’hui, 57 ans après, il raconte sa vie dans un livre, sa vie vue d’en bas, de son fauteuil roulant. Un récit touchant, jamais larmoyant, mais lucide et courageux. A son image.

  • Gérald Métroz, il y a quelques jours à Sion, avant une séance dédicace de son livre. DR

    Gérald Métroz, il y a quelques jours à Sion, avant une séance dédicace de son livre. DR

«Le train m’a sectionné les deux jambes en haut des cuisses. Je n’ai pratiquement pas saigné. Quand on m’a transporté à la maison, et assis sur le canapé du salon, mes jambes ont doucement glissé de mon pantalon pour se séparer du reste de mon corps. Je n’ai pas pleuré, ni perdu connaissance, sans aucun souvenir de douleur, seulement une peur de petit garçon: une culpabilité d’avoir désobéi à ses parents et ainsi de se faire gronder.» Le témoignage est glaçant. C’est celui de Gérald Métroz. A l’âge de deux ans et 7 mois, le 16 décembre 1964 très exactement, il perdait ses deux jambes, fauché par un train, sous les yeux de son père chef de gare à Sembrancher, en Valais.

Il a aujourd’hui 57 ans. Après avoir touché à presque tout durant une vie menée à 100 à l’heure, et pendant laquelle il a notamment beaucoup slalomé parmi la foule des patinoires sur son fauteuil roulant comme agent de joueurs de hockey professionnels, - un précurseur en Suisse -, Gérald Métroz a décidé de prendre la plume pour évoquer ce qu’il appelle «la vie d’en bas», une réflexion autour du passage de la verticalité au fauteuil roulant, la vision d’un monde dont il a dû apprivoiser tout à la fois les codes et les contours afin de pouvoir tout à la fois survivre et... apprendre à vivre.

L’amputé de Sembrancher

«Le jour de mon accident a coïncidé avec le début de ma lutte pour la mobilité. Autonomie du mouvement serait un terme plus approprié», explique-t-il. Car après l’accident, il a dû apprendre à se déplacer autrement. Sur les bras et sur les mains. Apprendre à grimper, à se hisser sur une chaise pour manger ou... pour aller aux toilettes. Apprendre à bouger pour aller à l’école aussi, pour faire du sport ou jouer à cache-cache avec ses petits camarades. Celui qu’on appelait invariablement «l’invalide, le petit mutilé de la gare, l’amputé de Sembrancher ou encore l’accidenté du train», n’a jamais cessé de se battre pour se mouvoir. «Depuis toujours la préoccupation de ma mobilité est restée constante. Chaque jour, depuis plus de cinquante ans, je la réinvente». Et Gérald Métroz d’ajouter: «Ne pas avoir de jambes est une réalité qui m’accompagnera jusqu’à mon dernier souffle. Elle est présente dans tout ce que je fais et ce que je suis.»

Un destin exceptionnel

Au-delà d’un destin tragique, qui a fait de lui un handicapé à vie dès sa petite enfance, et grâce à une force de caractère exceptionnelle et une capacité de résilience hors du commun, il a réussi à mener une existence professionnelle et sociale juste incroyable qui l’a notamment conduit, en tant que sportif d’élite - son coup de raquette en a fait durant longtemps le no 1 du tennis suisse - à une participation aux Jeux Paralympiques d’Atlanta, en 1996. Non sans avoir été, avant, pendant et après, tour à tour journaliste sportif, président de club, auteur de livres sur le hockey international, agent de joueurs et fondateur de la société GMSC (Gerald Metroz Sports Consulting), conférencier et... chanteur!

Un autre rythme

Au printemps de cette année, il a toutefois décidé de cesser sa carrière d’agent de joueurs. Il remis son entreprise de management sportif dans les mains de ses partenaires, lassé par les «contraintes techniques et administratives du métier». Il a souhaité tourner cette longue page de sa vie au profit de l’écriture et de la musique qui constituent, explique-t-il, «le meilleur moyen pour désamorcer l’esprit de combat.»

A 57 ans, cet hyperactif veut donc laisser plus de temps au temps. Il aspire à s’installer dans «un univers paisible et harmonieux» qui lui permettra encore de progresser. Sans aigreur, ni amertume. Comme il l’a toujours fait. Un disque et un bouquin en seront la preuve sous peu. En attendant, prenez le temps de l’accompagner dans «La vie d’en bas». Vous y ferez la connaissance d’un battant, d’un homme libre de tout carcan aussi, qui vous expliquera comment, «de l’endroit où [il] observe le monde, l’éclairage est tout autre.» Philippe Kottelat

«La vie d’en bas», Gérald Métroz, Empiric Vision