Bientôt des chemins piétons dans votre propriété?

PLAN DIRECTEUR COMMUNAL • Une commission du Conseil communal prévoit le «développement de chemins piétons sur des parcelles privées». Une atteinte à la propriété privée pour les milieux de droite, une nécessité pour la majorité de gauche qui évoque désormais uniquement les futurs immeubles à construire.

C’est une toute petite phrase, mais qui fait bondir les milieux immobiliers. Traité par la commission concernée du Conseil communal de Lausanne, le projet de Plan directeur communal (PDCom) qui définit la future stratégie d'aménagement du territoire à l'échelle de Lausanne prévoit en effet un développement des itinéraires piétons «également sur des parcelles privées si c’est nécessaire pour des cheminements courts et directs.»

Atteinte à la propriété privée

Olivier Feller, conseiller national PLR et directeur de la Chambre vaudoise immobilière (CVI), ironise: «Sur le plan politique, la volonté de la commission de développer des chemins piétons sur les parcelles privées ne témoigne pas d’une grande sensibilité à la garantie de la propriété.»

Même son de cloche de la part de Frédéric Dovat, secrétaire général de l’USPI Vaud: «Il s’agit évidemment d’une atteinte à la garantie de la propriété privée et qui s’inscrit dans la volonté municipale d’étatiser le sol, comme on a pu le voir par exemple avec l’exercice du droit de préemption par la commune. Il y a d’autres mesures pour faciliter la mobilité, plus proportionnées et moins coûteuses que de créer des chemins piétons sur les parcelles privées, à savoir par exemple l’amélioration de la mobilité dans l’espace public et l’amélioration de la signalétique.»

«En matière de chemins piétons, la Ville devrait plutôt faire le nécessaire sur les parcelles dont elle est propriétaire, lance goguenarde la conseillère communale PLR Anouck Saugy rapportrice de minorité de la commission qui a travaillé sur le PDCom. Une chose est sûre: cela va poser des problèmes juridiques et augure de batailles devant les tribunaux.» Développer des itinéraires piétons sur les parcelles privées, si la proposition venait à être retenue ne sera en tout cas pas une sinécure. La Ville de Lausanne pourrait en effet, au travers d’une servitude, créer sur une parcelle privée un droit de passage. Mais la servitude est un contrat qui nécessite forcément l’accord du propriétaire, et en cas d’accord, une indemnisation de celui-ci.

Expropriations à venir?

«L’autre solution, explique Olivier Feller, c’est de passer par l’expropriation formelle. Mais la décision d’exproprier peut faire l’objet de recours. Et l’expropriation n’est admise que si certains principes sont respectés, comme l’intérêt public et la proportionnalité. Je doute qu’une expropriation pour créer un chemin piéton soit conforme à ces principes.»

La majorité de gauche du Conseil communal tempère en évoquant le fait qu’une telle disposition ne concernerait que les édifices à venir, une nuance qui ne figure pas dans le communiqué officiel: «Dès lors que l’on veut que la population se déplace davantage à pied y compris les personnes âgées, il faut des chemins continus. Aujourd’hui, il y a des barrières importantes, qu’on pourrait supprimer lors de nouvelles constructions», explique le socialiste Benoît Gaillard, rapporteur de la majorité à la Commission, qui admet: «Certes il s’agit d’une immixtion dans la propriété privée, mais il y en a déjà beaucoup aujourd’hui, comme par exemple lorsque les bâtiments doivent mettre leurs places de jeux à la disposition du public. La propriété donne des droits, mais aussi des devoirs. Il n’est pas question qu’on puisse passer dans les jardins privés de tout un chacun! Mais bien de planifier des cheminements pratiques lorsqu’on construit de nouveaux immeubles.»

Charaf Abdessemed