«Agir comme Jésus l’aurait fait»

- On l’oublie trop souvent, mais Noël est une fête majeure du christianisme, celle où «Dieu vient à nous».
- En charge du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, Mgr Charles Morerod, est en fonction depuis deux ans.
- Islam, argent, crise de l’Église, arrivée d’un nouveau pape, le successeur de Mgr Genoud aborde tous les sujets sans tabou.

  • Mgr Morerod aborde tous les sujets sans tabou. VERISSIMO

    Mgr Morerod aborde tous les sujets sans tabou. VERISSIMO

Lausanne Cités: Vous êtes en charge du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg depuis deux ans. Quel bilan en tirez-vous?
 
Mgr Charles Morerod: Il y a eu une phase de découverte au cours de laquelle j’ai rencontré énormément de monde, de divers horizons. Et c’est très enrichissant. Je me suis beaucoup déplacé dans le diocèse et les gens abordent souvent des sujets très profonds, et pas seulement religieux du reste. La première année a été une course, un marathon couru au rythme d’un 100 mètres! Mais nous traversons une période très intéressante de la vie de l’Église et c’est passionnant d’en être un témoin direct.
 
N’est-ce pas très difficile de succéder à Mgr Genoud qui était très populaire?
 
Je connaissais Mgr Genoud depuis si longtemps, alors que j’étais adolescent et qu’il était mon professeur de philosophie. À vrai dire, je n’ai jamais pensé que ça pouvait être un problème de lui succéder.
 
Dans une interview publiée sur le site de l’évêché, vous révélez votre train de vie. Cédez-vous à la tyrannie de la transparence?
 
(Sourire). Les gens sont convaincus que l’Église est riche. Alors, lorsqu’à la suite des révélations sur le train de vie d’un évêque allemand, on m’a demandé de donner des informations sur ma situation financière, je l’ai fait de bonne grâce.
 
Comment se porte l’Église? N’est-elle pas en crise aujourd’hui?
 
La crise spécifique de l’Eglise doit être située dans le contexte global d’une crise du sens de la communauté dans la société. Et puis, il y aussi une crise face à l’idée que l’on puisse affirmer une vérité, ce qui est typique d’une société post-moderne.
 
Le résultat, c’est que les églises ont tendance à se vider...
 
En effet les gens ne se sentent plus obligés d’y aller. D’ailleurs, certains me reprochent de ne pas assez parler d’obligations. Mais les gens ne vont pas à l’église, justement parce qu’on les a trop obligés à y aller. L’Église doit trouver un équilibre délicat dans sa relation avec la société. Si elle s’adapte trop, ou pas assez, elle devient inintéressante.
 
Avec sa simplicité naturelle, le nouveau pape François n’adopte-t-il pas une démarche qui conduit judicieusement à ce genre d’équilibre?
 
J’ai vécu 15 ans à Rome et chaque fois que je voyais le pape passer avec une grande escorte de police dans des rues préalablement fermées au trafic, je me disais: «Quel dommage que l’on ne puisse pas vivre simplement avec une telle fonction!» Le pape François a osé renoncer à ces dispositifs de sécurité. Il a osé aller vers plus de simplicité et d’humilité. Franchement je ne pensais pas que c’était possible, même si je suis convaincu que ses prédécesseurs souhaitaient aller dans ce sens-là. Certains lui reprochent de désacraliser la fonction. Moi, je trouve ça très réjouissant parce qu’on y reconnaît mieux l’Evangile. Jésus n’aurait-il pas adopté un décorum et un apparat plutôt limités (sourire)?
 
Il est question que François vienne en Valais en 2015. En savez-vous plus?
 
D’une part, il a été invité par le Président de la Confédération et, d’autre part, ce serait un beau geste que d’être là pour les 1500 ans de l’Abbaye de Saint-Maurice, la plus vieille communauté religieuse chrétienne encore existante du monde. Mais viendra-t-il? Je ne le sais pas.
 
Avez-vous des nouvelles de Benoît XVI?
 
Je ne l’ai pas vu, mais j’ai rencontré des gens qui l’ont vu et m’ont dit: «Vous n’imaginez pas à quel point il a l’air heureux et serein».
Pendant que les églises se vident, les mosquées se remplissent...
En Europe, c’est en partie dû à l’immigration. Et nous sommes dans une époque où les immigrés ont plus tendance à manifester leur différence, ce qui touche d’ailleurs certains catholiques également. Ils pensent en outre que la société qu’ils trouvent chez nous ne laisse pas assez de place à la religion et n’est pas très accueillante vis-à-vis d’eux. Pour certains, aller à la mosquée, c’est éviter de perdre son identité.

Certains vous ont reproché une trop grande tolérance vis-à-vis de l’Islam…
 
Accepter les personnes qui viennent, c’est une valeur évangélique. J’essaie toujours d’agir comme Jésus l’aurait fait. À ceux qui ont peur de l’Islam, je réponds que la peur n’est pas bonne conseillère et qu’il faut éviter de se lancer dans des catégories générales. La grande majorité des musulmans d’Europe déplore la violence et d’ailleurs, ce n’est pas par la confrontation que l’on peut le mieux espérer désamorcer les tendances violentes qui y existent aussi. 
 
Le dialogue a montré sa force dans d’autres domaines. Pourquoi cela ne fonctionnerait-il pas dans le domaine religieux?
 
En Suisse, il arrive que des catholiques se convertissent à l’Islam. Que leur dites-vous?
 
J’aurais préféré qu’ils ne le fassent pas, mais c’est leur droit. Jésus n’a obligé personne à croire, et par moments une grande partie de ses disciples l’ont quitté. De mon côté, je suis heureux d’être chrétien et je serais très heureux de les rencontrer s’ils le désirent! C’est à nous de les aider à mieux connaître notre foi en tant qu’Église. A l’inverse, il y a aussi des musulmans qui demandent le baptême, mais qui doivent se dissimuler en raison des pressions familiales.
 
Nous voilà à Noël...
 
Et c’est une bonne nouvelle que Dieu vienne à nous! Ne l’oublions pas, cette fête, en rappelant que Dieu s’est fait homme, montre le mieux la spécificité du christianisme par rapport à toute autre religion. 
 
 
«Jésus n’a obligé personne à croire»