4000 francs minimum, une bonne ou une mauvaise idée?

  •  4000 francs minimum, une bonne ou une mauvaise idée?

    4000 francs minimum, une bonne ou une mauvaise idée?

  • Olivier Feller, conseiller national PLR-VD. DR

    Olivier Feller, conseiller national PLR-VD. DR

  • Ruth Dreifuss, ancienne conseillère fédérale socialiste. DR

    Ruth Dreifuss, ancienne conseillère fédérale socialiste. DR

Une réponse qui demaure inadaptée!

Olivier Feller, conseiller national PLR-VD. DRNON À L’INITIATIVE •  Êtes-vous favorable à l’instauration d’un salaire minimum en Suisse?
Olivier Feller: Non, je suis opposé à l’instauration d’un salaire minimum légal. Mais je ne suis pas opposé au principe d’un salaire minimum, négocié entre partenaires dans le cadre d’une convention collective, comme tous les autres éléments dans le monde du travail. C’est différent!
Quels sont donc les avantages des conventions collectives?
Un salaire uniforme et indifférencié dans toute la Suisse serait la pire des solutions car il ne tiendrait aucun compte des réalités locales. Les conventions collectives ont à l’inverse le grand avantage de tenir compte des réalités diverses que l’on observe aussi bien dans les différentes branches professionnelles qu’au sein des différentes régions du pays.  
Que craignez-vous en cas d’adoption d’un salaire minimum généralisé en Suisse?
Clairement, il y a un risque de précarisation de l’emploi. Avec un salaire minimum horaire à 22 francs en Suisse, à moins de 10 euros en France et bientôt en Allemagne, il est clair qu’un certain nombre d’emplois dans le secteur industriel pourraient bien être délocalisés.Dans les secteurs peu qualifiés, des emplois pourraient également passer à la trappe au profit d’une automatisation du processus de travail. Enfin, la branche agricole ne pourra jamais payer un tel salaire minimum, ce qui ne pourra qu’augmenter la part des produits agricoles importés:on est donc loin du «produire et consommer local!»
Reste qu’il y a un problème qu’il faudra bien régler:celui des «working poor», qui travaillent à temps plein sans pouvoir vivre de leur travail! 
L’instauration d’un salaire minimum tel que voulu par les initiants ne peut répondre à cette question. Dans certaines régions, un couple sans enfants dont chaque partenaire touche 3800 francs, donc moins que les 4000 francs du salaire minimum,  vit correctement, même s’il n’est pas dans le luxe. Ailleurs, une mère de famille monoparentale avec deux enfants qui vit avec 4200 francs aura du mal à joindre les deux bouts. On voit  donc bien que le problème des «working poor» ne peut  être résolu par une mesure macro-économique généralisée, mais bien par des mesures de politique sociale ciblées et adaptées. 
 
Pour ceux qui ne s’en sortent pas!

OUI À L’INITIATIVEÊtes-vous favorable à l’instauration d’un salaire minimum en Suisse?
Ruth Dreifuss: Oui, je suis favorable à un salaire minimum car je connais la situation des «working poor» qui travaillent à plein temps sans arriver à faire face à la situation!
Mais ne vaut-il pas mieux laisser se développer des négociations par branches?
Il est important que les patrons et les travailleurs s’entendent pour tenir compte des spécificités réelles de chaque branche, mais un salaire minimum n’est pas du tout en contradiction avec une telle démarche.
Les opposants à l’initiative mettent en avant un coût de la vie différent selon les régions et donc peu cohérent avec un salaire minimum à l’échelle de tout le pays...
Un salaire minimum est toujours utile. Mais le texte de l’initiative prévoit des exceptions qui permettent de tenir compte des branches aussi bien que de la situation des personnes.
D’autres avancent qu’ailleurs, le salaire minimum n’a pas permis de réduire le chômage...
Comparaison n’est pas raison. Il n’y pas de lien avéré entre salaire minimum et chômage. Si les salaires minimums dans d’autres pays n’ont pas contribué à réduire le chômage, c’est que celui-ci est dû à d’autres causes.
Pour d’autres, un salaire minimum serait un mauvais signal donné aux jeunes...
L’argument sous-jacent est que si les jeunes devaient pouvoir gagner 4000 francs sans formation, pourquoi se donneraient-ils la peine de faire un apprentissage? La réponse est simple. L’apprentissage et la formation en général permettent de faire le métier que l’on aime et d’entrer dans une carrière qui serait prometteuse. Les jeunes sont raisonnables, ils ne renonceraient pas à une telle perspective!
Selon vous, y-aurait-il des garde-fous à mettre en place en cas d’adoption de l’initiative?
Il ne s’agit pas de garde-fous, mais de veiller, au-delà de la question salariale, à ce que les autres conditions cadre qui favorisent l’emploi soient réunies: cadre légal, infrastructures, approvisionnement durable en énergie etc... Actuellement, la Suisse le fait bien. 
Et si l’initiative venait à être rejetée par le peuple?
La bataille est serrée, mais l’idée d’un salaire minimal garanti par la constitution a des adeptes, et certains cantons ont déjà adopté des législations en ce sens. Même si elle ne passait pas, l’initiative a déjà atteint une partie de ses objectifs: sous sa pression, toute une série de branches et de grandes entreprises ont déjà introduit un salaire minimum de 4000 francs. Elles prouvent ainsi que c’est possible.