Après le divorce, le temps de la prostitution

- Dans une situation économique compliquée, des mères de famille divorcées se lancent dans la prostitution.
- Répondant manifestement à une réelle demande, ces quadragnéaires n’ont pas le physique des bimbos, mais n’ont pas de peine à trouver des clients.
- Utilisant internet, elles ne sont ni dans la rue ni officiellement déclarées et échappent ainsi aux statistiques.

  • Se prostituer, une manière pour ces deux mères de familles de pouvoir boucler les fins de mois. DR

    Se prostituer, une manière pour ces deux mères de familles de pouvoir boucler les fins de mois. DR

  • Se prostituer, une manière pour ces deux mères de familles de pouvoir boucler les fins de mois. DR

    Se prostituer, une manière pour ces deux mères de familles de pouvoir boucler les fins de mois. DR

Toutes les deux habitent dans la périphérie lausannoise. Myriam et Sophie (*) ont respectivement 45 et 47 ans. Ces deux amies ont longtemps été des mères de famille tout ce qu’il y a de plus conventionnelles, avant que le divorce et la crise ne les emmènent dans une situation très précaire.

Service "en duo"

«On a fait ensemble le tour des possibilités qu’il nous restait pour tenter d’assumer les frais quotidiens et, rapidement, on est arrivées à la conclusion qu’il n’y avait plus que cette solution», explique Sophie. Après un mois de discussion, elles s’inscrivent sur un site de petites annonces et proposent un service «en duo» pour se donner du courage et pouvoir se défendre en cas d’agression. D’autant plus que, afin de cacher leur nouvelle activité à leurs enfants encore à la maison, elles sont d’abord obligées de courir d’hôtels en appartements sans la moindre sécurité. A ce stade, elles pensent recevoir quelques sollicitations éparses, mais n’imagine pas une seule minute le succès que connaitra leur offre.

Clients à foison

A chaque annonce, des dizaines de réponses arrivent sur leur boîte e-mail. «On a même le luxe de pouvoir trier et choisir les clients les plus agréables. C’est clair qu’après une longue relation, puis une séparation, ça fait du bien à l’égo de voir que beaucoup sont prêts à vous rémunérer pour avoir une relation avec vous», raconte Myriam dans son petit appartement en pleine campagne vaudoise.

Maintenant que ses enfants ont quitté le domicile, c’est dans celui-ci qu’elle reçoit, en moyenne, un client par jour sans que ses voisins et se proches ne se doutent de quoi que ce soit. Comment explique-t-elle le succès rencontré? «On est simplement là pour apporter l’affection et l’attention dont de très nombreux hommes manquent dans notre société. »

Mais, si toutes les deux semblent dresser un tableau idyllique de cette activité, il mérite tout de même d’être nuancé. Entre les e-mails franchement glauques et les hommes qui partent sans payer, tout n’est de loin pas rose. D’ailleurs, Myriam tient à adresser une question plutôt gênante aux responsables du système d’aides sociales: «Si nous sommes contraintes d’en arriver là alors que nous avons toujours travaillé et que nous sommes mères de famille, c’est quand même la preuve qu’il y a un sérieux problème quelque part. Non?»

Des cas isolés?

Clairement moins télégéniques que les sublimes escort-girls rémunérées des milliers de francs pour une nuit, les mères de famille prostituées sont assurément moins présentes dans les médias. Pourtant, à en croire Myriam et Sophie, elles seraient presque aussi nombreuses sur les sites de petites annonces, particulièrement depuis quelques années. De l’aveu même de la police et des associations de prévention, le phénomène est très difficilement contrôlable. Myriam et Sophie reçoivent de nombreux clients fidèles aux profils très variés. De l’ouvrier à l’étudiant, en passant par le retraité marié depuis toujours ou le directeur d’entreprise, ils recherchent tous une relation avec une femme qui pourrait être leur voisine.

«Les hommes veulent de l’affection»

«Cela dit, on ne va pas devenir riche avec notre activité. Elle permet simplement de garder la tête hors de l’eau», précisent en cœur les deux mères de famille vaudoises. Cela fait maintenant six ans qu’elles ont fait leur première passe et, pour l’instant, elles n’ont pas l’intention de s’arrêter. Aujourd’hui, elles disent seulement craindre que les récents débats des parlementaires fédéraux entrainent une interdiction de la prostitution: «On continuerait probablement de pratiquer, mais le client serait en position de force car nous ne pourrions jamais nous plaindre à la police en cas de problème. Nous serions totalement seules et nous risquerions très gros.»

(*) noms d’emprunts